La reprise du travail après ou pendant le traitement d’un cancer représente un défi pour de nombreux patients. Pour faciliter cette transition, la Drieets a élaboré, en coordination avec les partenaires régionaux, des outils à destination des salariés-patients et des oncologues (ou autres médecins traitants).
La période post-traitement du cancer s'avère être une épreuve complexe pour la majorité des patients. Près de 90 % d'entre eux rapportent un sentiment de transformation personnelle, avec évolution des priorités de vie personnelle ou professionnelle et regrettent le manque de préparation à cette nouvelle phase de leur vie. Le retour à la vie professionnelle, en particulier, est souvent source d'anxiété et soulève de nombreuses questions. Il se révèle souvent comme une période particulièrement difficile à traverser. Pourtant, des solutions existent pour faciliter cette reprise et sont mises à la disposition des salariés qui le souhaitent.
Pour communiquer sur ces solutions, la Direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Drieets) d'Île-de-France a développé, dans le cadre du plan régional de santé au travail d’Île-de-France 2021-2025 (PRST), des outils spécifiques en collaboration avec ses partenaires, dont la Cramif.
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Ces fiches font l’objet d’une communication adaptée selon que le lecteur est un assuré ou un professionnel de santé. Elles ont un double objectif :
- alerter les patients-salariés et les oncologues (ou autres médecins traitants) sur les difficultés concrètes qui peuvent apparaître lors de la reprise du travail après un traitement pour cancer, afin de les sensibiliser à la nécessité d'anticiper ce retour à l'emploi ;
- faire un focus parmi les dispositifs existants sur la visite de pré-reprise (en la différenciant de la visite de reprise, plus connue dans le monde du travail), avec mise en avant du rôle déterminant du médecin du travail.
La Cramif : un acteur clé de l’accompagnement au maintien en emploi en Île-de-France
La Cramif, avec son service Prévention des risques professionnels et son service social, joue un rôle central dans le maintien en emploi des assurés sur le territoire francilien. Ses actions, menées en coordination avec les CPAM d’Île-de-France et le service médical de l’Assurance Maladie, s'articulent autour de plusieurs axes :
- le repérage des personnes fragilisées (dont font partie les personnes traitées pour cancer) pour leur proposer un accompagnement ;
- la mise en place de parcours adaptés et sécurisés, notamment au service des personnes traitées pour cancer et envisageant de revenir au travail ;
- la sensibilisation des entreprises au maintien en emploi, en particulier les TPE-PME, par le biais de webinaires ou interventions en entreprise ;
- la coordination et actions partenariales avec des acteurs institutionnels franciliens du maintien dans l'emploi : la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dreets), l’ Agence régionale de santé (ARS), l’Agefiph, France Travail, les Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), les Services de prévention et santé au travail (SPST) et le réseau Cap emploi.
Pour en savoir plus sur ces actions, nous nous sommes entretenus avec deux référentes sur le sujet à la Cramif, le Dr Carole Morneau, conseillère médicale à la direction régionale des risques professionnels (DRRP), et Félie Jean-Noël, gestionnaire de projet Prévention de la désinsertion professionnelle (PDP) au sein du service social.
1. Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les patients atteints de cancer lors de leur retour au travail ? Ont-ils évolué ces dernières années ?
Carole Morneau : Les avancées dans le domaine du cancer permettent aujourd’hui à beaucoup plus de patients de pouvoir reprendre une activité après leur traitement. Mais la reprise reste souvent plus difficile que prévue. Fatigue, douleurs, troubles cognitifs… Ces effets secondaires sont mal connus et peuvent être déstabilisants. Ils créent parfois un fossé entre ce que le salarié pense pouvoir faire et ce qu’il vit réellement sur le terrain.
Félie Jean-Noël : Oui, et ce fossé est d’autant plus grand que le retour au travail n’est pas seulement une reprise physique. Après plusieurs mois d’arrêt, c’est aussi une épreuve psychologique. Il faut retrouver sa place dans une organisation qui a pu évoluer et gérer les regards, parfois maladroits, liés aux séquelles visibles ou non. Beaucoup de patients nous disent ne pas avoir été préparés à cette étape.
CM : Et c’est là un point crucial : cette préparation est encore trop souvent négligée, alors qu’elle pourrait éviter bien des ruptures. C’est ce qu’on essaie de faire évoluer avec les outils et actions portées dans le cadre du Plan régional de santé au Travail.
2. En tant qu’acteur clé de la prévention de la désinsertion professionnelle en Île-de-France, comment la Cramif accompagne-t-elle concrètement les assurés et les entreprises ?
FJN : Nous rencontrons régulièrement des assurés en arrêt qui ignorent totalement les dispositifs à leur disposition. Notre rôle est alors de les informer sur leurs droits potentiels (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé [RQTH], prévoyance, prestations sociales) mais aussi de les guider vers des solutions concrètes : essai encadré, temps partiel thérapeutique, aménagements… L’accompagnement social est global, et surtout personnalisé.
CM : C’est complémentaire du travail que nous menons en prévention. Beaucoup ne savent pas que la visite de pré-reprise peut être demandée dès 30 jours d’arrêt, tout en étant encore en arrêt. Elle permet d’anticiper les ajustements nécessaires pour la reprise. Cette information, nous la diffusons aussi bien auprès des salariés que des employeurs, des services de santé au travail ou encore des professionnels de santé spécialisés en oncologie.
FJN : Et ce travail de coordination entre acteurs est essentiel. Il ne s’agit pas seulement d’outiller le salarié mais aussi de créer les conditions d’un dialogue entre son environnement médical, professionnel et social.
3. Quelles collaborations existent sur le terrain pour faciliter la reprise ?
CM : Nous avons développé un partenariat avec tous les SPST interentreprises de la région, via des contrats d’objectifs intégrant le maintien en emploi comme priorité. Le retour au travail après cancer en fait partie. Avec la Drieets, l’ARS, le centre régional de pathologies professionnelles et environnementales (CRPPE) d’Île-de-France, nous co-construisons des outils pratiques et des actions de sensibilisation ciblées.
FJN : Sur le terrain, chaque retour en emploi mobilise un réseau. Le médecin traitant donne un premier feu vert, le médecin du travail évalue les adaptations possibles liées au poste, la MDPH peut statuer sur une RQTH… Nous travaillons aussi avec des organismes d’accompagnement à la reconversion professionnelle comme Cap emploi ou Transition Pro, en fonction des projets professionnels.
CM : Et nous mettons aussi en place des actions collectives, comme les ateliers du CRPPE de l’Hôtel-Dieu, qui permettent d’aborder la reprise de façon concrète avec les patients concernés.
FJN : Les ateliers menés en partenariat avec l’Hôtel-Dieu ou encore l’Institut Curie, la Ligue contre le cancer et l’association RoseUp ont un impact réel. En plus de l’information, ils offrent un espace d’échange entre pairs, ce qui est souvent très rassurant pour les patients. Ils peuvent partager leurs expériences et trouver des solutions adaptées à leur situation.
4. Quelles sont les mesures ou initiatives ayant fait leur preuve pour prévenir la désinsertion professionnelle des salariés après un cancer ?
CM : La visite de pré-reprise est un levier très efficace, et pourtant encore sous-utilisé. Elle permet de poser les bases d’une reprise adaptée. Autre dispositif encore trop peu connu : le rendez-vous de liaison, un temps d’échange entre le salarié et l’employeur, pendant l’arrêt, pour discuter des conditions de retour. Et puis, nous misons beaucoup sur la sensibilisation des oncologues : ce sont souvent les premiers à pouvoir initier cette discussion avec le patient.
FJN : En effet, plus l’accompagnement commence tôt, meilleures sont les chances de reprise réussie. On peut amorcer une réflexion, informer, construire un projet pendant l'arrêt de travail du salarié, même si aucune date de reprise n'est avancée, dès lors qu'il s'en sent capable. Les assurés qui nous contactent durant cette période arrivent beaucoup mieux à gérer leur retour.
CM : Un conseil pour les patients : ne restez pas seuls. Parlez-en à votre médecin du travail, contactez une assistante sociale de la Cramif ou de votre service de santé au travail, appuyez-vous sur les associations de patients. Et pour les soignants : abordez la question du travail dès que possible, même si cela vous semble secondaire ou hors de votre champ professionnel. C’est un élément central de la reconstruction.
FJN : Oui, il faut oser en parler, même si ce n’est pas votre domaine. Le fait que ce soit vous qui évoquiez le retour au travail avec votre patient et lui conseilliez pour cela de contacter dès qu'il peut son médecin du travail est un facteur clé pour le mobiliser. Et côté patients, mieux vaut poser les bonnes questions tôt que se retrouver démuni à la veille de la reprise.