Le colloque organisé par la Cramif donne la parole à des préventeurs, des experts et des donneurs d’ordre afin d’aborder les problématiques spécifiques au risque amiante. Lors de cette quatrième table ronde six intervenants ont pris la parole.

Xavier Faure, animateur

Nous allons parler de l'entretien et du nettoyage des dalles vinyles amiantées.

Marc Charoy est resté à mes côtés, vous participez à cette table ronde. Je rappelle que vous êtes coordinateur des actions amiantes à la Cramif.

J'appelle aussi à vos côtés Laurent Martinon, ingénieur hygiéniste, directeur du laboratoire amiante, fibres et particules (LAFP), service parisien de santé environnementale.

Aurore Aglioni, vous êtes expert d'assistance conseil amiante à l'Institut national de recherche et de sécurité, l'INRS.

Christophe Leclercq vous êtes chef de projet au Conseil et soutien au développement technique des entreprises de propreté (CTIP).

Pierre Barret, vous êtes responsable du pôle prévention des risques professionnels du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

Et puis pour terminer, Émeric Besançon, vous êtes responsable prévention santé sécurité au travail chez ONET.

On avait prévu un premier tour de table de présentation : qui vous êtes et vos activités. Laurent Martinon, voulez-vous commencer ?

Présentation des intervenants

Merci pour cette invitation Marc et de la part de la Cramif. Laurent Martinon, je suis ingénieur hygiéniste, directeur du laboratoire amiante fibre et particules au sein du Service parisien de santé environnementale de la ville de Paris.

Bonjour à tous, Aurore Aglioni, je suis ingénieure chimiste au pôle à risque chimique de l'INRS.

Xavier Faure
Marc Charoy, vous êtes avec nous de nouveau pour cette table ronde.

Oui, les tables rondes étant spécialisées sur différents sujets. Donc Marc Charoy, je suis coordonnateur amiante au service prévention des professionnels à la Cramif.

Bonjour, Christophe Leclercq, chef de projet au sein de CTIP Conseil, l'opérateur technique de la Fédération des entreprises de propreté.

Pierre Barret, je suis responsable du pôle de prévention des risques professionnels pour la Direction de l'éducation et de la jeunesse, qui s'occupe exclusivement des collèges du département de la Seine-Saint-Denis.

Bonjour, Émeric Besançon, je suis directeur qualité sécurité environnement. J'étais anciennement responsable prévention pour Onet, pour la partie propreté.

Xavier Faure
On va commencer avec Laurent Martinon. Alors il y a une étude qui a été menée sur les dalles vinyles amiantées l'idée c'était de commencer par nous présenter l'origine de cette étude, pourquoi est-ce qu'on a mené cette étude ?

Les études sur l’entretien et le nettoyage des dalles vinyles amiantées

Laurent Martinon
Ce sont deux études même qui ont été menées. La problématique étant celle d'un matériau très présent dans beaucoup de bâtiments publics et privés en France dont on n'a pas la surface développée exactement. Ce sont les dalles vinyles amiante qui vont concerner des hôpitaux, des écoles, des centres commerciaux, des bureaux. Des logements également, ce sera un point important à souligner par rapport au repérage des matériaux amiantés.
Ça fait plusieurs années qu'on se pose la question de l'exposition des travailleurs lors de l'entretien de ces dalles de sol, lequel entretien est fréquemment réalisé par des monobrosses équipées de disques plus ou moins abrasifs suivant le mode opératoire. On pourra décliner les différents modes opératoires.

On a mené une première étude qui s'est conclue en 2014, financée par la Direction générale de la santé. On était, pour cela, épaulé par la Cramif déjà à l'époque et on avait été reçu par le Conseil départemental du 93 et l'AP-HP.
Une deuxième étude a été menée par la suite sur un peu plus de modes d'opératoires : le premier ça avait été des lustrages et du décapage à l'humide ; la deuxième étude, toujours financée par la Direction générale de la santé et toujours avec la Cramif, l'INRS et le CTIP avait porté sur un peu plus de modes opératoires lustrage, spray méthode, décapage humide. On y avait adjoint le balayage humide.
Pour ces 2 études on a mené des mesures sur opérateurs et des mesures environnementales pour vérifier si ces modes opératoires généraient une dissémination des fibres d'amiante.
Actuellement, il y a une troisième étude qui est en cours de finalisation, je peux l'évoquer mais je ne pourrai évoquer les résultats, qui est financée par l'ANSES. La problématique aussi, c'est que la population concernée, c'est quand même d'après les chiffres de la profession, c'est à peu près 670 000 personnes, dont 200 000 en régie, 470 000 dans des entreprises professionnelles et 200 000 en régie avec un niveau de connaissances de la présence d'amiante dans ses sols assez faible. On est à des niveaux d'exposition qui sont faibles pour la première étude mais qui peuvent arriver au niveau de la valeur limite d'exposition professionnelle actuelle.
Pour rappel : la première étude, c'était la mesure des expositions pendant le lustrage et le décapage humide des dalles de sol.

Xavier Faure
Donc là on est sur des niveaux d'exposition assez faibles ?

Laurent Martinon
Relativement faibles, mais dans certains cas qui peuvent être à surveiller un peu plus. Ce qui était également démontré, et ça rejoint le sujet précédent, c'est que l'ensemble des effluents qui étaient utilisés, notamment pour le décapage humide, était évidemment contaminé par de l'amiante, et les équipements et les consommables pouvaient l'être aussi. Le processus de vidange par exemple, on travaille avec un aspirateur pour récupérer l'eau ou le décapant chimique déposé sur les dalles de sol, ces effluents sont fréquemment rejetés à l'égout sans plus de précautions, sans plus de filtration. En tout cas à l'époque. Donc, la première étude, pour résumer, c’est un test avec du personnel de régie, et la deuxième avec une entreprise de nettoyage.
La deuxième étude s'est faite avec des modes opératoires standardisés, dont Christophe Leclercq pourra parler, qui avaient été définis par la Fédération des entreprises de propreté. Et là, on a pu mener sur trois sites, deux dans le Conseil départemental du 93 encore, et un dans le Val-de-Marne.
On a mené donc les mêmes études sur opérateur et dans l'environnement. Là, avec des modes opératoires mieux maîtrisés. On est arrivé à des niveaux d'empoussièrement relativement faibles, voire négligeables. Mais là encore, les effluents et les équipements étaient tous contaminés par des fibres d'amiantes, ce qui pose le problème de la gestion de ces équipements et la conduite de modes opératoires correctement menés avec du personnel formé.

Xavier Faure
Est-ce qu'il peut y avoir des expositions fortes du personnel au moment de l'entretien de ces équipements ?

Laurent Martinon
On n'a pas mené de mesures sur l'entretien.

Xavier Faure
Donc on peut imaginer que là aussi il y a des travaux d'étude à mener sur cette partie.

Laurent Martinon
Oui, c'est effectivement un geste à caractériser.

Xavier Faure
Aurore Aglioni, on connaît les travaux que vous faites à l'INRS. Quel rôle avez-vous joué sur ce sujet des dalles vinyles amiantées, sur ces études ?

Le rôle de l’INRS sur les dalles vinyles amiantées

Aurore Aglioni
Effectivement, l'INRS a participé à cette étude comme bon nombre de mes collègues assis ici : la Cramif, le laboratoire de Laurent Martinon, la profession également, que je salue pour les modes opératoires qu'ils ont développés. On a participé au prélèvement durant l'étude, et notamment à l'analyse. Et puis une de nos grosses missions à l'INRS est de participer à la réflexion des mesures de prévention, des préconisations pour la prévention des risques professionnels liés à l'amiante. Cette réflexion est importante, c'est pour ça que l'on a participé à cette étude. On sait que les dalles vinyles amiante représentent une part importante de matériaux amiantés encore en place dans bon nombre de bâtiments comme le disait Laurent, dans des bâtiments d'habitation et dans les collectivités (collèges, lycées, hôpitaux...). On voit la diversité des lieux où on peut retrouver ce type de matériaux. Et puis deuxième point, donc beaucoup de matériaux encore en place, et potentiellement beaucoup de salariés exposés lors de l'entretien de ces dalles vinyles. Pour rappel, comme disait Laurent, il y a à peu près 670 000 travailleurs dans le monde de la propreté, ce qui montre l'importance des expositions potentielles lors de l'entretien. On pense, d'un retour d'expérience, que les entreprises de propreté ne sont pas forcément en connaissance de ce risque amiante parce qu'elles ont, peut-être, d'autres sujets, d'autres risques prédominants dans leur profession comme les troubles musculo-squelettiques, les chutes, les horaires atypiques... On sait qu'il y a quand même du risque chimique avec les détergents sur les entreprises de propreté, mais peut-être qu'elles n'appréhendent pas bien ce risque amiante et la présence potentielle d'amiante dans les dalles qu'elles entretiennent.

C'était un sujet qui était important de développer pour nous à l'INRS. L'objectif était d'assister la branche professionnelle (la FEP) sur l'étude d'exposition des professionnels lors de l'entretien et de participer à la réflexion des moyens de prévention sur ces activités. Le premier principe général de prévention, est de supprimer le risque. Donc, on peut se poser la question avant l'entretien : « est-ce qu'il est possible de retirer, voire de recouvrir les dalles vinyles amiante encore en place ? ». À l'INRS, on préconise toujours de retirer en premier, dès qu'on le peut, ces matériaux afin de supprimer le risque à la base. Et donc il y n'a plus aucun risque. On pourrait, éventuellement, recouvrir ces dalles, mais ça n'est pas forcément une bonne solution dans le temps parce qu'il peut toujours y avoir d'autres interventions ultérieures sur ces dalles. Si on les recouvre on pourrait par exemple percer les dalles pour mettre des seuils, des choses comme ça. Donc, ce n'est pas supprimer totalement ce risque. On sait bien que les travaux de retrait sont coûteux et donc difficilement assumables par les collectivités ou autre propriétaires ou gestionnaires. Donc il faut bien mettre en place l'entretien de ces dalles.
On a identifié plusieurs problématiques liées à la gestion de l'entretien de ces dalles. C'est tout d'abord un problème de repérage des dalles vinyles amiante. Bien qu'il y ait un contexte réglementaire qui demande que les dalles soient repérées dans le cadre du diagnostic technique amiante puisque les dalles font partie de la liste B. Pour autant, souvent les donneurs d'ordre n'ont pas l'information ou ne la transmettent pas aux entreprises. Il y a un défaut d'information de l'entreprise d'entretien, qui ne détient pas l'information de repérage.

Xavier Faure
Les entreprises interviennent sans savoir qu'il y a de l'amiante ?

Aurore Aglioni
Il faudrait sûrement questionner les fédérations professionnelles pour savoir ce qu'il en est. Au-delà de ce repérage, ce qui est frappant aussi c'est que les entreprises ne sont pas en connaissance qu'il y a un cadre réglementaire lié aux interventions de sous-section 4, donc susceptibles de provoquer l'émission de fibres d'amiante. J'ai eu l'occasion de présenter ce projet de recommandation lors d'un colloque d'une autre Carsat. Beaucoup de questions revenaient : « Si je fais l'entretien de dalles vinyles mais qu'elles sont en bon état, est-ce que je suis quand même en sous-section 4 ? », « Est-ce que,si j'ai des mesures qui sont inférieures à 5 fibres/L environnementales, est-ce que je suis toujours en sous-section 4 ? ». Je pense qu'il y a un devoir d'information pour ces entreprises, pour pouvoir confirmer que, oui, du moment qu'il y a une intervention sur un matériau contenant de l'amiante, même s'il est en bon état aujourd'hui (ça peut évoluer au cours du temps), toutes ces interventions restent en SS4. Donc il y a ce cadre réglementaire de prévention qui doit être mis en place.

Xavier Faure
C'est un deuxième point, c'est que même si on leur donne l'information qu'il y a de l'amiante dans les dalles, elles connaissent mal la réglementation, et du coup ne se mettent pas en ordre de marche pour respecter cette réglementation.

Aurore Aglioni
Oui, il y a un gros travail d'information qui doit être fait par le biais de cette recommandation. Je pense que le message va passer de façon plus claire. Aussi, des recommandations par rapport à l'évaluation périodique des processus on va dire, par exemple, des techniques qui sont utilisées lors de l'entretien de ces dalles vinyles. On sait que pour vérifier la répétabilité et puis l'adéquation des moyens de protection mis en place par l'entreprise d'entretien, on va devoir évaluer périodiquement par des mesures sur opérateurs, si on respecte bien le niveau d'empoussièrement.

À l'INRS, on préconise que des mesures sur opérateur soit faites un minimum lors de la première mise en œuvre d'une technique, et puis après annuellement. Sur les préconisations générales, pour tout ce qui est sur l'amiante, on préférera des techniques à l'humide, jamais à sec. On va proscrire tout ce qui est décapage à sec. Et puis on utilisera les monobrosses avec des vitesses plutôt modérées, voire lentes. On parlera aussi beaucoup, ça a été déjà vu dans les présentations précédentes, il y a une formation obligatoire des agents, autant de l'encadrement technique et puis l'encadrement de chantier dans les entreprises de propreté, c'est peut-être les chefs d'équipe et puis des opérateurs. Donc, il y a une formation obligatoire en sous-section 4, de 5 jours pour le personnel encadrant et de 2 jours pour le personnel opérateur. Ça va lui permettre de connaître les gestes techniques, de connaître les procédures de décontamination, de pouvoir faire ça sur une plateforme. Effectivement, le réseau prévention habilite des centres de formation. C'est un biais qu'il faut utiliser, on sait qu'il délivre des messages de prévention qu'on a validés.
Et enfin, les préconisations c'est aussi que tout personnel qui est exposé à l'amiante ait un suivi individuel médical renforcé, par le médecin du travail, avec un examen d'aptitude lors de l'affectation au poste, et puis périodiquement au maximum tous les 4 ans avec le médecin du travail et la traçabilité des expositions, avec la fiche d'exposition notamment qui doit être remplie par l'employeur.

Xavier Faure
Une question avant de passer la parole à Marc Charoy. On est dans les bâtiments, donc il y a le personnel qui est exposé, mais il y a aussi des occupants dans ces bâtiments. Est-ce que les études ont porté aussi sur les risques qui pouvaient y avoir sur les occupants qui pouvaient être dans ces bâtiments au moment où ont lieu ces travaux ?

Laurent Martinon
Oui, au cours des deux études qu'on a menées, en parallèle aux mesures sur opérateurs qui étaient faites pendant les opérations, on a conduit des prélèvements environnementaux qui se déroulaient à distance, pour essayer de mesurer l'exposition de personnes qui sont soit dans leurs bureaux, soit dans des locaux adjacents à ces opérations puisque ces opérations régulièrement sont menées dans des locaux occupés.

Xavier Faure
Oui, c'est extrêmement sensible comme sujet. Quels ont été les résultats de ces études qui ont été menées ?

Laurent Martinon
Pour les fibres réglementaires, donc les fibres de longueur supérieures à 5 microns, celles qui sont prises en compte par la réglementation, les concentrations étaient soit négligeables, soit faibles. Ce qu'il faut souligner, c'est que ces matériaux sont quand même composés essentiellement de fibres courtes d'amiante, ce qu'on appelle des fibres courtes d'amiante, ce sont des fibres qui sont inférieures à 5 microns de longueur. Et ces processus peuvent émettre des fibres courtes, et en général en émettent beaucoup plus que des fibres longues, que des fibres réglementaires. Sur certaines opérations, on a pu constater des émissions assez fortes d'amiante.

Xavier Faure
Marc Charoy, on va parler des recommandations qu'il peut y avoir autour de ce sujet.

La recommandation R514 de la Cnam

Marc Charoy
Oui, nos partenaires sociaux, puisque nous sommes des organismes paritaires à égalité entre les représentants des organisations patronales et les représentants des organisations des salariés, d'adopter une recommandation codifiée R514, qui traite de l'entretien et du nettoyage des dalles vinyles, qui a le titre de « Nettoyage des dalles vinyles amiantées ». Alors pourquoi on s'est orienté vers une recommandation ? Peut-être déjà rappeler ce qu'est une recommandation : c'est voté par les partenaires, c'est un document de prévention avec des préconisations qui ont été discutées à la fois par les professionnels et les représentants paritaires de nos organismes. C'est un document qui a fait l'objet de nombreuses réunions, qui ont d'ailleurs commencé avec le Comité Technique Régional de la Cramif concerné par cette activité, qui se sont poursuivies en matière de discussion avec le Comité Technique National. Donc, ça a pris du temps mais c'est normal parce qu'il fallait expliquer les choses, il fallait voir sur quoi se basait cette recommandation. Pourquoi on a aussi décidé une recommandation ?
C'était une initiative partagée avec la profession à l'issue de la publication de la dernière étude de 2019. La Cramif a travaillé sur un projet de recommandation, de manière à ce que ça soit validé par nos partenaires, par les professionnels, que ce soit un outil de professionnel. C'était le schéma de départ.

Alors, pourquoi on a eu besoin aussi de discriminer des techniques par rapport à d'autres ?
L'étude de 2019 mentionnait un certain nombre de préconisations, qui avaient été travaillées par des professionnels par les personnes du CTIP, dont Christophe Leclercq ici présent. Avec la garantie du geste métier, on a tout de suite vu, ça c'était la différence aussi entre la première étude dont parlait Laurent Martinon et la dernière étude de 2019, c'est qu'il y avait une incertitude au départ à la première étude sur le geste métier. Donc ça nous a conduit à bien définir ce qu'étaient les activités de nettoyage, et à concentrer nos efforts à la fois sur l'étude et puis repris dans la recommandation pour un certain nombre de préconisations relatives à ces gestes métiers, pour être sûr que finalement on parlait de l'activité qui pouvait être réalisée par le plus grand nombre des professionnels. On s'est associé les compétences de donneurs d'ordre pour recueillir leur avis sur la mise en œuvre des techniques. Je pense que la recommandation, qui est accessible sur le site Ameli et sur le site de la Fédération des entreprises de propreté, des différents sites l'INRS et de la Cramif, etc, elle s'appuie sur l'étude, je n'y reviendrai pas. Elle s'adresse aux chefs d'entreprise dont tout ou partie du personnel relève du régime général de la Sécurité sociale. Parce que c'est le cadre de nos interventions du service prévention : on est dans le régime général le Sécurité sociale même à titre secondaire ou occasionnel lors des opérations d'entretien.

Il y a plusieurs messages forts dans cette recommandation : il y a déjà l'aspect DTA. Les donneurs d'ordre communiquent aux entreprises le DTA. On a bien vu ce matin, lors de la table ronde numéro 2, les difficultés de faire le repérage. Il y a des collectivités, le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui pourra peut-être aussi témoigner sur cet aspect, mais aussi le Conseil départemental du Val-de-Marne ont pu témoigner des difficultés à faire les repérages, surtout en site occupé, ce qui veut dire derrière que l'information sur la présence d'amiante manque parfois. Ce qui veut dire que le premier message fort qu’il y a dans cette recommandation, c'est de rappeler que les donneurs d'ordre doivent fournir le DTA aux entreprises de propreté. Donc il y a un dialogue, quand on suit la recommandation, qui se crée forcément entre les entreprises de propreté qui interviennent et les donneurs d'ordre. Là, ça permet aux donneurs d'ordre de leur rappeler leurs obligations, mais aussi d'aller plus loin que le seul aspect des dalles de sol. Quand on parle de DTA ça concerne l'intégralité des matériaux de la liste A et B donc, ça permet aussi d'aller investiguer d'autres champs qui n'étaient pas connus jusqu'à là.

Un autre message fort, c'est un état contradictoire : ce qui est attendu aussi dans cette recommandation, c'est qu'il y a un dialogue qui s'instaure entre le donneur d'ordre et l'entreprise sur l'état réel des dalles. Nous avons défini d'un commun accord avec tous ceux qui ont travaillé sur ce projet (d'ailleurs c'était une préconisation de l'étude de 2019) de parler d'état de préservation des dalles, qui va permettre de définir si on peut faire l'entretien courant des dalles ou si on doit, au préalable, envisager des travaux de remise en état. Je vous invite à prendre connaissance du document, il y a un tableau qui décrit par exemple que les dalles trouées, cassées ou fissurées ne font pas l'objet d'entretien puisqu'elles peuvent générer des risques qui sont au-delà de ce que l'on a pu mesurer dans le cas de l'étude et qui sert de base à cette recommandation. Et puis on s'inscrit dans la base réglementaire. C'est comme on l'a évoqué, la formation du personnel, il y a différents items dans la recommandation, on y vient aussi sur la base réglementaire sur l'organisation, la coactivité... On a défini aussi un seuil d'action et puis on a bien défini les techniques qui ont été regardées à la loupe sur les gestes métiers.

Alors, 5 techniques ont été décrites mais ce sont les mêmes techniques qui apparaissent dans l'étude. On rappelle que le décapage à sec doit être proscrit parce que, quand on regarde la dernière étude de 2019, qui a dressé un inventaire des informations que l'on pouvait avoir sur le sujet, on s'est aperçu que le décapage à sec apparaissait dans peu de documents comme étant émissif, donc on a dit « on a une recommandation, on en profite pour faire un message fort : le décapage à sec doit être proscrit ». Les couches d'émulsion constituent la principale protection contre les fibres d'amiante. Il y a tout un débat sur l'utilisation ou non de la monobrosse. Il est évident qu'une monobrosse mise en œuvre sur des dalles de sol, ça va contribuer à agresser le matériau. Ce que l'on sait, c'est que les couches d'émulsions constituent la principale protection contre l'émission de fibres d'amiante. Ce qu'il faut voir aussi par-là, c'est que les monobrosses vont attaquer en priorité ces fameuses couches d'émulsion. Et donc, est venu tout de suite (là c'était lors de l'étude mais on l'a repris dans la recommandation) les préconisations de l'étude qui se sont basées sur un niveau de brillance. Le niveau brillance, c'est de mesurer l'efficacité des couches d'émulsions résiduelles qui existent encore sur les dalles. On a pris le parti pris après réflexion de définir un seuil d'action qui est de 30 %. C'est à dire, si on est sur un niveau brillance qui est inférieur à 30 %, à ce moment-là on doit remettre en état les dalles de manière à pouvoir mettre des nouvelles couches d'émulsions qui constitueront la protection et l'objectif final des opérations d'entretien et de nettoyage c'est de préserver cette couche de protection, ces couches d'émulsions. Donc attention, quand on parle de monobrosse, il faut bien voir et il faut avoir à l'esprit qu'on s'assoit sur des résultats de mesurage. Peut-être que Laurent y reviendra sur les vigilances à avoir.

Donc la recommandation doit aider les chefs d'entreprise à rédiger des modes opératoires. Ce sera Christophe qui va nous préciser ce que l'on entend par mode opératoire. Donc l'objectif de la recommandation n'est pas de faire des modes opératoires, parce que c'est de la responsabilité de chaque chef d'entreprise, mais d'aider les entreprises sur la rédaction des modes opératoires. Ensuite, il faut périodiquement faire des mesures d'air pour s'assurer que les moyens de protection sont compatibles avec les empoussièrements générés lors de la réalisation des travaux d'entretien. La recommandation réaffirme aussi que le retrait des matériaux contenant de l'amiante constitue le seul moyen pour éviter le risque.

Xavier Faure
Une petite précision pour les béotiens : les couches d'émulsions, c'est un produit qui reste sur les dalles de sol ?

Marc Charoy
Les dalles de sol à l'état brut, ce sont des dalles qui sont considérés poreuses qui peuvent émettre des fibres d'amiante les couches d'émulsions, ce sont les couches de cire, de vernis... Il y a plusieurs vocabulaire, il y en a peut-être un qui convient le mieux. C'est un produit que l'on va appliquer et qui va donner une certaine surface. D'ailleurs, beaucoup de donneurs d'ordre estiment important qu'il y ait une brillance des sols, qui est une preuve de la propreté. Cette brillance-là est obtenue par les couches d'émulsion. Mais je laisse Christophe sur les aspects purement technique qui les connaît beaucoup mieux que nous.
Je pense qu'il y a dans cette recommandation à la fois des gestes techniques, qui sont bien détaillés, mais aussi des messages forts. Quand la Cnam décide de voter une recommandation, c'est pour tenir compte des situations de travail. C'est à dire qu'il y a un cadre réglementaire qui s'impose à tous les donneurs d'ordre et toutes les entreprises. Nous ne sommes pas là, nous Sécurité sociale service prévention, pour écrire des documents qui viendraient avoir une incidence sur la réglementation. On ne peut pas, on est obligé de se servir du cadre réglementaire que les entreprises ont dans leur activité courante, de manière à dégager des mesures de prévention partagée avec elles, quel que soit le cadre réglementaire. Donc il ne s'agissait pas de dire en une seule ligne « On recouvre les dalles de sol » ou « On les retire », on sait très bien que ce n'est pas le contexte d'intervention des entreprises de propreté.

Xavier Faure
On va continuer ce tour de table avec vous Christophe Leclercq. Pouvez-vous répondre sur les couches d'émulsions ?

L’implication de la profession dans la réflexion et le déploiement de la recommandation

Christophe Leclercq
Bien sûr. On a des dalles vinyles amiante qui, quand elles sont à l'état brut, sont mates, poreuses, ce qui rend la difficulté de nettoyer ces dalles et de les rendre propre visuellement. L'idée de l'émulsion est de protéger, de fermer la porosité de ce matériau, par une couche d'émulsion (on peut l'assimiler à une couche de vernis) qui va empêcher toute porosité du matériau. Donc, ça sera plus facile à l'entretenir, cette couche fine va renfermer la fibre d'amiante et donc de cette manière on ne va pas les libérer. C'est l'intérêt de ces couches d'émulsion, dans la recommandation il est précisé trois couches, pour justement avoir cette barrière physique entre le matériau amianté et l'extérieur tout simplement. L'idée c'est de protéger et c'est plus facile derrière à entretenir.
Aujourd'hui, malgré cela, on a la difficulté d'avoir les repérages, de savoir où est l'amiante puisqu'on n'a pas tout à fait l'information.

Xavier Faure
J'avais une question subsidiaire : quand on met des couches comme ça, est-ce que ça a un impact sur une qualité de l'air intérieur ? Parce qu'on met un adjuvant, un produit, sur des grandes surfaces...

Christophe Leclercq
Non, ces produits-là sont plutôt neutres en tout cas au niveau de dangerosité.

Xavier Faure
Il n'y a pas d'effets induits ?

Christophe Leclercq
Non, après il y a une période où il faut laisser sécher, on ne peut pas marcher immédiatement derrière, il y a une mise en œuvre qui est particulière. Mais globalement ça facilite aussi le travail de nos agents.

Je vais revenir sur la profession : c'est à peu près 12 000 entreprises d'au moins un salarié. En termes d'emploi on est plutôt sur 570 000 et en termes de chiffre d'affaires ça couvre à peu près 17 milliards. On a toute taille d'entreprises, donc au-delà de 30 000 salariés à des TPE avec quelques salariés. Donc la Fédération s'adresse à toutes cette population d'entreprises, de petites et de grandes tailles. Cette avancée sur la recommandation, c'est un travail à la fois collectif au niveau de la Fédération, avec l'ensemble des communautés techniques et de sécurité qui ont travaillé sur le Go pour y aller, parce que, quand on a eu la première étude de Laurent Martinon, on a vu qu'il y avait pas mal d'erreurs de vocabulaire technique qui était peu adapté à une compréhension de notre métier.
En tout cas merci de nous avoir associé à cette étude, Laurent, et puis bien sûr je remercie aussi la Cramif et l'INRS de nous avoir écouté sur les termes techniques pour faire avancer ce dossier. Puisque je rappelle quand même l'interdiction c'est 1997, le repérage c'est 2011, l'étude c'est 2019, la recommandation c'est 2022. Donc ça fait 25 ans. Aujourd'hui on peut supposer qu'on a exposé, à la fois des usagers mais aussi les salariés, à ces fibres d'amiante. Je suis rentré dans la profession il y un a un peu plus de 30 ans : les premiers écrits, c'était l'interdiction de l'opération mécanique via des monobrosses. On retrouve l'amiante assez souvent malgré tout encore aujourd'hui dans de nombreux endroits. Nos entreprises interviennent essentiellement à l'intérieur de locaux pour nettoyer les surfaces et les objets, un peu à l'extérieur pour la vitrerie et puis les abords extérieurs. Mais globalement, la plupart des salariés travaillent à l'intérieur des locaux. Donc forcément il faut avoir les bons gestes techniques pour éviter l'émission de ces fibres amiante. La fédération a travaillé au travers de cette étude mais aussi a aidé ses adhérents avec quelques outils qui permettent d'appréhender le sujet. On s'adresse à toute la panoplie des entreprises de propreté (de la plus petite à la plus grande) mais qui permet aussi de communiquer vers leurs clients sur la démarche : « Est-ce que je suis concerné ou pas par la présence de DVA ou de matériaux amiantés sur mon chantier le chantier ? ». Le chantier étant le lieu où sont exécutées les prestations.

Donc d'abord, on va avoir 4 questions c'est une sorte de logigramme, même s'il n'est pas présenté sous forme de logigramme. Ce sont 4 questions qui permettent de faire un état des lieux et de poser les bonnes questions aux clients : dans la relation client, c'est de savoir la date de permis de construire, est-ce qu'il est délivré avant juillet 1997 ou pas ? Si c'est après juillet 1997, le risque amiante n'existe pas. Ensuite, deuxième question, c'est sur le repérage de l'amiante. Si c'est avant 1997, est-ce que le client a fait le repérage pour savoir s'il y a des matériaux amiantés ? S'il ne l'a pas fait on l'invite à le faire, c'est son obligation. Une fois qu'on a le résultat, s'il y a de l'amiante on est sur la question 3 : le repérage indique-t-il la présence de matériaux contenant de l'amiante dans les zones d'intervention ? Parce que, parfois, c'est la descente de gouttière, ce sont des endroits où il n'y a pas de prestation à réaliser, ou des zones de passage... Peu importe, on peut avoir des matériaux disséminés dans le bâtiment, donc on cherche à savoir dans quelle zone d'intervention. Là il y a un certain nombre de mesures de prévention à mettre en place pour l'entreprise, notamment de formaliser le plan de prévention, d'actualiser le document unique, et puis derrière de sensibiliser les intervenants à éviter de toucher ces matériaux. On n'est pas encore SS4.
Et puis la dernière question du logigramme, c'est tout simplement : est-ce qu'on intervient sur ces matériaux amiantés ? Et là, on est dans le cadre de la sous-sélection 4, avec toutes les obligations de formalisation du plan de prévention, des modes opératoires et notices de poste, qui sont des annexes du document unique, la formation SS4, etc. Donc, on a un premier support, qui permet aux entreprises d'échanger avec les clients sur cette approche amiante, présence d'amiante ou pas dans le bâtiment. C'est un premier outil que les entreprises peuvent utiliser, mis à disposition sur notre site.

Ensuite, on sait qu'on doit monter en compétences au travers des salariés intervenants, à la fois l'encadrement et des opérateurs donc la branche a investi sur la prise en charge des formations pour les collaborateurs concernés, la prise charge des frais pédagogiques par le FARE Propreté dans le cadre réglementaire de 5 jours pour les encadrements et 2 jours pour les opérateurs. Particularité pour l'encadrement c'est 5 jours plus une demi-journée en distanciel pour présenter la recommandation. Ça c'est pour la partie encadrement. Pour la partie opérateurs, ce sont des formations dédiées uniquement aux opérateurs de la propreté, des sessions uniquement réalisées entre opérateurs qui interviennent dans le secteur de la propreté sur des plateformes pédagogiques. On a choisi de retenir l'APAVE, qui dispose de plateformes pédagogiques sur le territoire. Cette formation est assurée sur 10 villes, en métropole donc : Lille, Belfort, Metz, etc. On retrouve tout ça sur le site « Le monde de la propreté ». Donc, on a retenu des villes réparties sur le territoire. C'est donc l'accompagnement auprès des entreprises, avec la prise en charge des frais pédagogiques.
Et puis le troisième outil ça va être les supports qui vont permettre aux entreprises de préparer et de formaliser leurs modes opératoires et notices de poste concernant les 5 procédés mis en œuvre dans l'étude.
Le premier est le balayage humide c'est une technique de dépoussiérage des sols durs, c'est pour capter les poussières qui sont en surface. Donc, on utilise ce qu'on appelle, une gaze imprégnée, qui va permettre de capter toutes les salissures non adhérentes présentes sur le matériau. Ensuite, on a un 2ème support sur le lavage manuel. Donc, dans la recommandation, on va trouver toute une série de différents procédés de lavage manuel. Il y a des techniques aujourd'hui qui ne génèrent pas d'effluent, donc c'est un avantage, ce sont plutôt des techniques qu'on trouve notamment au milieu hospitalier, ce qu'on appelle imprégnation. Donc une technique qui ne va pas générer d'effluent et de ce fait là on va éviter la filtration et donc il n'y a pas de rejet.
Et ensuite, on a deux opérations plutôt mécanisées d'entretien, notamment le spray et le lustrage qui sont des techniques plutôt à fréquence entre le mensuel et le trimestriel en fonction du trafic, qui va permettre de remonter légèrement la brillance du sol. C'est un procédé mécanique avec le seuil de 30 % dont a parlé Marc Charoy, avec le seuil pour lequel on a défini une règle pas d'action mécanique en dessous.
Et puis la dernière technique, c'est la remise en état, on est en dessous de 30 %, donc on va décaper et mettre en protection, poser des émulsions sur plusieurs couches pour assurer cette protection et pouvoir maintenir un niveau de propreté des locaux au regard de ce matériau. Tout ça a été communiqué auprès de nos adhérents, et puis il y a eu des webinaires qui ont permis de présenter à la fois la recommandation et les outils.

Xavier Faure
Merci pour votre présentation, j'avais une question avant de continuer ce tour de table : on parle de formation, on voit que c'est un élément essentiel comme vous le disiez Aurore, la sensibilisation des opérateurs et des chefs d'entreprises à ces sujets. Aujourd'hui, quelle est la part des entreprises qui ont été formées sur ce sujet ?

Christophe Leclercq
C'est très peu, puisque c'est la difficulté qu'on a aujourd'hui : c'est l'offre et la demande aujourd'hui, la recommandation est récente (2022), la communication elle se fait après, il faut que côté client ça bouge. Forcément, quand on parle d'amiante DVA ça peut faire peur aux clients, ça fait peur aussi au public. DVA c'est l'acronyme pour « dalle vinyle amiantée ». La difficulté est de pouvoir avoir le quantitatif. C'est-à-dire, sur un bâtiment de 10 000 m2, est-ce qu'on a 2 000 m2 de DVA ou la totalité ? Tant que l'on n'a pas cette notion de dimensionnement, c'est évident que l'entreprise ne peut pas répondre à un marché où on ne sait pas. Donc on a beaucoup d'incertitudes sur la communication des bonnes données pour pouvoir chiffrer de façon correcte.

Xavier Faure
Oui, il y a une montée en charge à la fois des donneurs d'ordre et des entreprises, parce qu'aussi il y a des impacts en termes de coûts ? De formation, de nouvelles méthodes... Et donc il faut une forme d'équité entre vos entreprises qui répondent de la même manière en fonction d'un vrai marché ?

Christophe Leclercq
Forcément, ça prend un peu de temps. Je pense qu'il y a beaucoup d'entreprises qui ne veulent pas non plus répondre à ce type de marché parce qu'il y a des DVA. Puis après, toutes les entreprises n'ont pas forcément toutes les informations au moment du chiffrage parce que ce qui est important c'est de pouvoir coter, parce qu'il y a quand même un impact : le choix des méthodes dépend ou pas de la présence de DVA, quand je parle d'une technique de pré-imprégnation qui ne génère pas d'effluent, le textile qu'on va utiliser pour laver la surface est un consommable qu'on va devoir jeter comme déchet amianté. Donc, on a des techniques qui existent, qui vont limiter l'exposition des salariés. C'est plutôt positif, l'étude le montre. Par contre il y a une problématique très importante qu'on n'a pas vu venir : c'est que tous les déchets sont contaminés par des fibres amiantées. La plus grosse difficulté est là.

Xavier Faure
Laurent Martinon ?

Laurent Martinon
Oui, pour abonder l'un des problèmes exposé par Christophe Leclercq, c'est que dans le dossier technique amiante, la mention de présence de DVA va apparaître, mais pas la surface. C'est à dire que sur un bâtiment, la surface développée de ces sols composés de DVA n'apparaît pas. Donc c'est à vous de prendre votre règle et puis de faire un calcul pour savoir quelle est la surface.

Xavier Faure
Dans le repérage, cette information est donnée ?

Laurent Martinon
Vous avez des plans, mais vous prenez l'échelle et puis vous faites vous-même le calcul. Il n'y a pas de surface cumulée aujourd'hui dans les dossiers techniques amiante.

Xavier Faure
On continue ce tour de table et puis on va rentrer dans les discussions. Pierre Barret, on est content de vous avoir aussi avec nous parce que là vous êtes le donneur d'ordre, donc on vous donne la parole parce qu’effectivement c'est la difficulté de mettre en œuvre toute cette recommandation.

Les difficultés de mise en œuvre de la recommandation

Pierre Barret
Oui, effectivement, juste pour cadrer un peu l'intervention : la Direction de l'éducation et de la jeunesse s'occupe de la construction, de la rénovation, de la maintenance des collèges du département, de l'entretien, du nettoyage des sols en régie et de la restauration des collégiens. Donc effectivement on est un petit peu à la croisée des chemins, c'est à dire qu'on est à la fois propriétaire des locaux, donc en charge de la communication et la réalisation des DTA, et « entreprise de nettoyage » puisque nos collègues (environ 800 agents) réalisent, sur la moitié de leur activité, l'entretien des collèges.

Xavier Faure
Ce qu'on disait tout à l'heure, Christophe Leclercq, c'est que vous avez cité les chiffres de personnes qui font du nettoyage mais vous n'avez pas cité toutes les personnes qui interviennent directement pour les collectivités et qui font du nettoyage aussi. Ça représente un nombre important, 200 000 personnes en totalité, dont environ 37 000 ou 40 000 dans le secteur de nettoyage privé que vous représentez c'est ça ? 570 000 emplois, ah oui. Ok donc 200 000 dans le secteur.

Christophe Leclercq
On parle d'emploi parce que parfois les salariés ont plusieurs employeurs, donc on parle plutôt d'emplois, parce qu'ils sont parfois multi-employeurs. Le total fait plus de 600 000 personnes concernées par une exposition possible, que ce soit de la régie ou des entreprises de propreté.

Xavier Faure
Pierre Barret, pour continuer, effectivement ça représente beaucoup de monde.

Pierre Barret
Oui, et pas mal de surface. Globalement on a 130 collèges dont 90 ont été construits avant 1997 donc potentiellement concernés par la surface d'amiante. On parlait tout à l'heure de l'action la plus efficace, c'est effectivement de réduire le risque à la source et de supprimer la présence d'amiante dans les sols. Donc, une de nos actions en tant que propriétaire, puisqu'on a cette chance là, c'est d'agir et de rénover les collèges en ciblant parfois les collèges qui sont les plus dégradés. On a réussi finalement à réduire d'environ 25 % la présence d'amiante dans les collèges en 6 ans à peu près. C'est à dire qu'on est passé d'une cinquantaine de collèges avec la présence de sols vinyles amiantés sur les 90 à 36 collèges avec présence de sols résiduels.

Xavier Faure
Vous avez un plan, tous les ans, de réduction du nombre de collèges amiantés ?

Pierre Barret
Tout à fait, il y a un plan d'observation. Là, il y a un plan qu'on appelle Éco Collège, qui ne vise pas seulement le retrait de l'amiante, mais de manière globale la rénovation à la fois énergétique et la rénovation des collèges. C'est vrai aussi que sur ces 36 collèges, la situation est très hétérogène, d'où l'importance de mettre régulièrement à jour le dossier technique amiante pour avoir l'information au plus près de la réalité du terrain. Parce qu'effectivement on a des endroits où la présence d'amiante est quasiment résiduelle, avec quelques locaux, parfois des locaux de stockage, etc. Donc on a pratiquement plus d'amiante en tout cas accessible parce qu'effectivement on fait aussi des opérations de recouvrement et puis des endroits où c'est carrément tout le collège ou des plateaux entiers qui ont des dalles de sol amiantées. Donc effectivement il y a une importance majeure à disposer de la bonne information et de réaliser les DTA.
On en parlait tout à l'heure, c'est parfois compliqué. On vise, nous, un objectif de mise à jour des DTA tous les trois ans, mais on intervient en général en dehors de la présence des élèves. Donc ça veut dire qu'on doit cibler les périodes de vacances pour pouvoir réaliser à la fois les travaux et à la fois les DTA. C'est toute une gymnastique pour parvenir à ces objectifs.

Xavier Faure
Est-ce que je dois entendre que tous les DTA n'ont pas été réalisés sur les dalles vinyles des collèges ?

Pierre Barret
Alors si, tous les DTA ont été réalisés, sauf que c'est la date de réalisation du DTA qui date un peu aujourd'hui. Donc là on est dans une phase de mise à jour. Tous les collèges où c'était extrêmement sensible ont été remis à jour. Et là on a une finalisation sur une dizaine d'établissements, mais on doit repartir sur une nouvelle campagne donc ça ne s'arrête jamais. La recommandation l'évoque aussi : la cartographie. C'est à dire « Comment on peut mettre à disposition l'information au plus près des opérateurs, des agents, qui sont en régie et réalisent les opérations d'entretien ? ». Donc « Comment ils sont informés que typiquement sur leur secteur de nettoyage on a tel local qui est concerné, et pas les autres ? » ou « Tout un couloir qui est concerné, mais pas les salles de classe ? ». Donc tout ça est un enjeu important.

Parallèlement, nous sur la partie régie, sur la partie réalisation des tâches, il y a un certain nombre de techniques de nettoyage qui ont été mises en œuvre historiquement, c'est vrai que la partie utilisation de la monobrosse a été la première activité que nous avons décidé de mettre de côté, exclusivement au démarrage sur la partie décapage, puisque dès la première étude on s'était aperçu que finalement... et puis de manière empirique, on pouvait imaginer que c'était l'activité la plus émissive donc la première action était de supprimer le recours à la monobrosse pour la partie décapage. Mais nous l'avons étendu de manière globale à l'utilisation de la mono brosse. C'est à dire qu'on n'utilise plus la monobrosse à ce stade dans les collèges qui sont concernés par la présence d'amiante. Et pour les techniques de nettoyage, donc le dépoussiérage à l'humide, mais nous essayons de privilégier là encore la méthode évoquée par Christophe Leclercq, qui est la méthode dite par « pré-imprégnation » qui limite la production d'effluents. Nous essayons de la généraliser, nous sommes à peu près à 70 % des collèges, mais tout collège concerné pour le coup de développement de cette technique, ça a plusieurs vertus : ça a aussi une vertu de limitation des contraintes biomécaniques, de contraintes physiques, puisqu'on diminue le port de seaux, on diminue l'utilisation des presses qui nécessitent une action mécanique forte, donc on fait d'une pierre deux coups, qui est de réduire le risque TMS et en même temps de limiter la production d'effluents, en tout cas dans cette situation.

Voilà globalement les techniques qu'on développe, par contre on a maintenu pour toutes les surfaces qui sont importantes, parce qu'on a des surfaces qui sont importantes, des halls d'entrée par exemple ou des couloirs, qui nécessitent un lavage plus régulier, on a maintenu l'utilisation des auto-laveuses. On a encore beaucoup de chemin à faire pour parfaire notre niveau de prévention. On parlait de la formation, aujourd'hui on est juste sur de l'information et de la consigne aux agents. On a peut-être 200 ou 300 agents à former sur les 35 collèges.

Xavier Faure
Oui, parce qu'ils sont soumis de la même manière à cette réglementation de formation ?

Pierre Barret
Bien sûr, mais c'est un des champs de progression. Et puis, toute la dimension de la gestion à la fois des consommables, du passage à l'usage unique, pour la technique de pré-imprégnation (parce que pour l'instant on est resté sur le lavage des bandeaux ce qui n'est pas du tout satisfaisant), donc le passage à l'usage unique, et puis la gestion des déchets, où là, si on s'est doté d'une installation de stockage de déchets temporaires, elle est aujourd'hui utilisée plutôt sur la partie maintenance donc avec nos agents de maintenance qui réalisent des menus travaux.

Xavier Faure
Elle est centralisée sur le département ou c'est chaque unité qui est...

Pierre Barret
Non non, elle est centralisée sur le département auprès d'une équipe qui réalise des travaux en régie, mais pas des travaux de nettoyage, des travaux de maintenance. Et donc, on a la possibilité d'y avoir recours, par contre, on a regardé avec intérêt la recommandation qui nous pousse au protocole d'analyse à la fois des gaz ou des déchets produits, pour voir si on pourrait le corréler avec une certaine brillance et pouvoir se dispenser, le cas échéant, de considérer comme des déchets d'amiante l'ensemble des consommables qu'on produit.

Xavier Faure
Il y a des études qui ont été faites là-dessus, Aurore ? Parce que là vous parlez de quelque chose de l'ordre de la recherche et du développement, de l'étude.

Pierre Barret
Ça fait partie de la recommandation il y a une petite préconisation qui nous dit « Poursuivez le protocole d'analyse des gaz, des effluents, et essayez de le mettre en corrélation avec le niveau de brillance de vos sols pour voir si le cas échéant vous pourriez ne pas considérer ces gaz ou ces bandeaux de lavage jetables comme des déchets amiantés ». Donc c'est une opportunité. Ça serait une très très bonne nouvelle si on pouvait le faire, mais pour l'instant ce n'est effectivement pas le cas.

Marc Charoy
C'est une réflexion. Nous, dans la réglementation, on n'est pas allé sur ce cet aspect-là. Pour nous, les 30 % de brillance doivent orienter sur la technique à mettre en œuvre et même sur l'utilisation de monobrosses pour la remise en état donc pour permettre de préparer les supports avec des couches d'émulsion de vernis qui seraient satisfaisantes. Avec ces trois couches, tel que préconisées.

Xavier Faure
Alors merci Pierre Barret, vous avez peut-être une précision encore vous étiez au bout de votre propos. Émeric Besançon, donc là on a l'entreprise, que vous représentez en tout cas : Onet. Ce qu'on aimerait savoir de votre côté, c'est cette recommandation : comment est-ce qu'elle est mise en œuvre ? Quelles difficultés ? Toutes ces questions.

La mise en œuvre de la recommandation

Émeric Besançon
En effet, avec la publication de cette recommandation au niveau des entreprises de propreté, ça nous permet de nous remettre en question par rapport au travail qui est réalisé. Ce que je voulais aussi bien préciser, on parlait de chiffres : aujourd'hui, Onet c'est le leader français au niveau des métiers de la propreté et des services associés. Depuis toujours et comme toute entreprise, on a une préoccupation de la santé et de la sécurité de nos collaborateurs. Aujourd'hui, on met des actions pour lutter contre les accidents du travail, pour lutter contre les maladies professionnelles, dans notre activité on est énormément concerné par les troubles musculosquelettiques, donc en effet, on met en place différentes démarches de prévention pour agir sur les TMS. Et on a l'amiante, qui est également un enjeu majeur pour la sécurité et la santé de nos collaborateurs.

Xavier Faure
Rappelons, on en parlait ce matin, le coût de la maladie professionnelle de l'amiante c'est 1,6 milliard d'euros, c'est un enjeu colossal et ce sont les entreprises qui prennent à leur charge ?

Marc Charoy
Oui, les 1,6 milliards sont recouvrés par les cotisations accident du travail maladies professionnelles, qui sont payées par le côté patronal, donc ce sont les cotisations patronales qui sont soit imputées directement au compte employeur, c'est le jargon technique pour la tarification des risques professionnels, ou au compte mutualisé, quand on n'a pas pu identifier l'entreprise qui a été à l'origine de la maladie professionnelle. Mais c'est effectivement des coûts colossaux qui se retrouvent sur les devis qui sont établies par les entreprises.

Xavier Faure
Imputés sur les comptes de l'entreprise et donc sur le donneur d'ordre, parce que c'est lui qui paie. Finalement, vous êtes tout intéressé à prendre en compte ces risques-là, bien entendu le mieux que vous pouvez et effectivement pour la santé de vos équipes.

Émeric Besançon
En effet, ce qu'on disait tout à l'heure par rapport à des chiffres aujourd'hui, chez Onet Propreté, ce sont 40 000 collaborateurs, ce sont 40 millions de mètres carrés par jour nettoyés, c'est plus de 180 établissements au niveau de la propreté, et c'est plus de 35 000 chantiers. Donc aujourd'hui, le gros travail qu'on a lancé au niveau d'Onet, c'est déjà le recensement. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, c'est le recensement des chantiers concernés, et pour cela ce sont nos clients et donneurs d'ordre qui vont pouvoir nous donner cette information. Et depuis déjà de nombreuses années dans le cadre de l'élaboration des plans de prévention, on demande à nos clients de nous transmettre le DTA. Malheureusement, on constate un niveau très faible de transmission de ces DTA. C'est la première difficulté.
Ce qui est intéressant avec la recommandation aussi, les premiers retours qu'on peut avoir, c'est lorsqu'on se rapproche de nos clients et qu'on leur met en avant l'utilisation de cette recommandation on commence à avoir des retours de DTA. Onet ne s'appuie pas que « en appliquant la réglementation », mais mettre en avant cette recommandation ça permet d'avoir cette transmission d'information. C'est un premier pas, c'est le début.
Ensuite, on s'appuie également sur le gros travail qui a été fait au niveau de la fédération professionnelle par rapport à la formation. On a commencé à lancer nos formations de nos opérateurs en sous-section 4. En parallèle, on forme des encadrants. Ça nous permet aussi qu'ils prennent conscience de ces recommandations et de cette importance sur les sujets de l'amiante.
Ensuite, au niveau du réseau Onet on a communiqué à l'ensemble de nos dirigeants et de nos managers cette nouvelle recommandation. À partir de là, au niveau du plan d'action, c'est : comment on va faire pour faire évoluer les mentalités auprès de nos clients et pouvoir mettre en application cette recommandation ? C'est le début, c'est compliqué 35 000 chantiers, ça ne se fait pas du jour au lendemain, donc il faut du temps. Il faut accompagner nos clients dans cette démarche, et ensuite, il y a un enjeu financier par la suite parce que forcément lorsque on va changer nos techniques, lorsqu'on va équiper nos collaborateurs d'équipements de protection qui vont être jetables prévoir toute la filière d'élimination des déchets, c'est pas le même coût que ce qui est payé aujourd'hui.

Xavier Faure
Aujourd'hui, si je comprends bien il y a des collaborateurs qui interviennent sur des bâtiments sur lequel vous n'avez pas les DTA, et donc, vous ne savez pas s'il y a de l'amiante ou pas. En termes de responsabilité du chef d'entreprise, est-ce que ça a un impact pour vous ?

Émeric Besançon
D'un point de vue humain oui, parce que on ne veut pas que nos collaborateurs soient dans un environnement à risque. Aujourd'hui, c'est vrai que sur cette notion d'amiante c'est une situation compliquée pour nous.

Xavier Faure
Est-ce que ça vous arrive sur certains chantiers de dire « là on ne peut pas faire si on n'a pas les informations » parce que c'est ce qu'il faudrait faire finalement, je vous parle à vous tous, c'est à dire à un moment « on n'a pas l'information, on ne peut pas mettre les collaborateurs en sécurité, et donc on n'intervient pas ».

Émeric Besançon
Il y a certaines décisions qu'on avait déjà prises depuis assez longtemps, bien avant la publication de la recommandation par rapport aux techniques de certaines techniques, donc forcément tout ce qui était décapage à sec et autres on prescrivait déjà ces actions-là. Donc à partir du moment où on avait bien conscience qu'il y avait des dalles vinyles sans forcément savoir qu'elles étaient amiantées on avait déjà acté ces décisions.

Xavier Faure
On va prendre des questions du public si vous avez terminé vos propos Émeric Besançon

Émeric Besançon
C'est un sujet très important que l'on prend de manière très sérieuse. Mais il faut savoir que ça ne peut pas se faire plus vite que la musique.

Xavier Faure
Marc Charoy ?

Marc Charoy
Quand on parle de coût, on peut s'attendre derrière à ce que des décisions plus radicales soient prises par des donneurs d'ordre qui accélèrent le rythme des recouvrements ou des retraits des dalles vinyles parce que des coûts supplémentaires d'entretien, parce que des besoins de communication à la fois aux occupants des locaux, à la fois au personnel de régie qui va compliquer les choses. On l'a bien vu, l'amiante c'est anxiogène. Si on peut s'affranchir du risque aussi pour cet aspect-là, ça va peut-être conduire à augmenter la réduction des risques à la source.

Pierre Barret
C'est typiquement ce qu'il se passe chez nous. On est quand même sur un public extrêmement sensible, avec des inquiétudes qui étaient présentes déjà il y a une dizaine d'années, avant même la réalisation de ces études. Et ces inquiétudes perdurent, que ça soit auprès des enseignants, auprès des collégiens ou auprès de nos équipes, on est un peu dans une sorte de course contre la montre pour essayer de recouvrir ou de rénover au plus rapidement, versus les contraintes de mise en œuvre de l'ensemble des mesures de prévention avec les EPI qui vont bien, avec la gestion des déchets, etc.

Xavier Faure
Oui, parce que ça a un coût aussi. Est-ce qu'on peut donner quelques éléments de coût ? Le mètre carré de retrait de dalles par exemple ?

Pierre Barret
J'aurais du mal à vous donner une évaluation, je sais qu'en termes de recouvrement, on doit être globalement à 100 euros le mètre carré mais vraiment très très à la louche. Et pour le retrait on n'est pas très loin. C'est sûr que c'est plus intéressant de retirer l'amiante que de le laisser. Mais parfois effectivement on est plus rapide sur une opération de recouvrement que sur une opération de retrait.

Xavier Faure
Y a certaines locaux avec un public aussi ou sur lequel vous avez des difficultés à intervenir, et vous ne pouvez pas tout faire en même temps...

Pierre Barret
Le retrait c'est forcément pendant une longue période de vacances.

Marc Charoy
Exactement, Pierre Barret est là pour témoigner sur les collèges, mais un des constats qu'on peut faire aussi, je pense que tout le monde les a fait ces constats, c'est que les dalles vinyles se retrouvent sur beaucoup de surfaces dans des établissements recevant du public. On a la problématique dans les établissements de soins, les hôpitaux, pas tous les hôpitaux, tous les établissements de soins attendons-nous bien, mais dans beaucoup d'établissements recevant du public. Ce qui complique aussi : quand on est dans les écoles ou dans les collèges, les lycées, on est tenu à intervenir dans un planning, y compris pour les repérages, mais ça va aussi avoir des incidences imaginez dans un hôpital qui tourne à 24h/24. C'est aussi peut-être pour ça qu'on a beaucoup de surface dalles vinyles qui n'ont pas été retirées et recouvertes parce qu'on avait ces contraintes d'utilisation de locaux.

Les questions/réponses

Xavier Faure
On va prendre des questions du public qui sont nombreuses. Vous êtes nombreux encore aujourd'hui, on aurait été plus de 500 sur la journée sur ce colloque amiante de la Cramif.
Une question de Christelle : « Un nettoyage des dalles sans monobrosse est-elle une intervention en SS4 ? ».

Xavier Faure
Qui est-ce qui veut répondre ? Aurore Aglioni ?

Aurore Aglioni
Oui, je pense que c'était mon propos de tout à l'heure, c'était de vraiment confirmer de façon officielle pour les questions de ce type que toute intervention sur matériau amianté donc là, sur les dalles vinyles, font partie du cadre réglementaire de sous-section 4, donc même du balayage humide fait partie d'une intervention sous-section 4 amiante. Même pour des dalles en bon état on reste sur du matériau contenant de l'amiante, donc il n'y a pas de dérogation de ce point de vue-là.

Christophe Leclercq
Juste pour compléter, on s'intéresse aux sols mais il y a parfois aussi des parois verticales quand on parle de lessivage donc il n'y a pas uniquement le sol, c'est l'ensemble des matériaux du bâtiment qu'on doit éventuellement nettoyer pour nos entreprises donc il n'y a pas que le sol.

Xavier Faure
D'autres matériaux, oui. Quelqu'un d'autre voulait apporter une précision sur ce sujet ? Une autre question ? « Comment est organisé la décontamination des intervenants sur le terrain ? Par exemple le nettoyage d'une surface au quatrième étage dans un hôpital ou par exemple un couloir pendant que les chambres sont occupées ».
Là, il y avait peut-être deux questions en une effectivement, là on était plutôt sur les intervenants, sur le nettoyage des intervenants sur le terrain allez-y, Christophe Leclercq ?

Christophe Leclercq
Pour les opérations qui ne sont pas de la remise en état, on est sur des opérations d'entretien courant, donc à mon avis on est sur des techniques de balayage ou de lavage. En milieu hospitalier, on utilise quand même beaucoup la pré-imprégnation, donc, on ne génère pas d'effluents, donc le niveau de protection, quand on reprend la recommandation, il n'y a pas de protection particulière hormis de porter des gants jetables simplement, ça s'arrête là. Il n'y a pas d'EPI particuliers à porter hormis les gants.

Xavier Faure
Prenez le micro Pierre Barret.

Pierre Barret
La question je pense qu'il faudra qu'on y arrive, c'est sur la partie autolaveuse et notamment la partie vidange d'autolaveuse où effectivement on a des bottes qui sont décontaminables et qui peuvent être nettoyées, puisque cette partie peut, peut-être, générer des effluents. Mais effectivement pour le reste non, il n'y a pas de contraintes particulières à la décontamination mais nous c'est aussi un axe de progrès : l'utilisation de l'usage unique, c'est-à-dire de gants à usage unique versus des gants de ménage habituels.

Xavier Faure
C'est dans la mesure où on applique bien la recommandation qui est faite. Émeric Besançon, en termes d'équipement pour vos collaborateurs, il n'y a pas d'équipements particuliers ?

Émeric Besançon
En fonction de la tâche qui sera réalisée il y aura des équipements, il y a les gants, et il peut y avoir aussi des bottes pour certaines tâches à réaliser oui.

Xavier Faure
Comment vous faites alors sur ces bottes ?

Émeric Besançon
Il faut prévoir un endroit où il va y avoir la décontamination.

Xavier Faure
Et ça a lieu sur site ?

Émeric Besançon
Il faut que ça soit au plus près de la zone qui a été nettoyée, donc plutôt sur site. Et lorsqu'on a plusieurs zones où on a une zone où on a des dalles vinyles amiantées et d'autres zones où on n'a pas de dalles vinyles amiantés, on va commencer toujours par la zone qui n'est pas entre « contaminée » puis on fera la partie où il y aura les dalles vinyles amiantées, et, à partir de là, on ira enlever les équipements.

Xavier Faure
Ce que j'entends, c'est que ça change aussi la méthode de travail de vos collaborateurs ? C'est à dire qu'ils vont dire « je passe d'abord sur les endroits sur lesquels il n'y a pas de risque, et après je fais les endroits où il y a un risque ». Donc il y a un impact sur la manière dont on travaille. Aurore Aglioni, pour l'INRS, vous aviez une précision ?

Aurore Aglioni
Pour compléter sur la décontamination, c'est vrai qu'on en a pas parlé aujourd'hui spécifiquement mais la recommandation prévoit qu'il y ait un local dédié à la décontamination. Ce local doit être mis à disposition de l'entreprise d'entretien. Il y aurait normalement une douche qui permettrait à ce que les opérateurs prennent leur douche d'hygiène en fin de journée par exemple pour finaliser leur décontamination.

Xavier Faure
Oui, mais comme il n'y a que des cas particuliers, je parle aussi à vous Émeric Besançon en termes d'entreprise, c'est qu'il y a des grands donneurs d'ordre on imagine qu'on peut mettre une douche dans un hôpital, mais vous avez parfois des petits bureaux tertiaires sur lesquels c'est compliqué d'intervenir ?

Émeric Besançon
En effet, déjà il y a des endroits où c'est difficile déjà d'avoir les vestiaires ou même une armoire. Donc c'est vrai que là dans la situation où il faut en plus avoir tous ces équipements complémentaires pour pouvoir faire la décontamination, en effet c'est compliqué.

Xavier Faure
Il n'y a que des cas particuliers.
Une autre question du public ? « Les mesures d'air périodiques peuvent-elles s'entendre pour un petit échantillon de bâtiment lorsque des dizaines de bâtiments sont concernés ? Faut-il en faire pour chaque mode opératoire employé ? » Laurent Martinon ?

Laurent Martinon
Merci pour la question, Aurore y a déjà un peu répondu tout à l'heure, chaque mode opératoire doit effectivement, selon la réglementation, faire l'objet d'une mesure d'empoussièrement au moins annuel, c'est-à-dire qu'un mode opératoire doit être testé.
Ensuite, il est clair que si on résume les deux études plus celle qui est en cours de finalisation, le nombre de données est relativement faible. Si on ajoute à ça, le nombre de données qu'on peut trouver dans Scol@miante, qui permet de connaître les mesures sur opérateur en fonction du matériau, de la technique et des moyens de protection collective qui sont mis en place, les données sont faibles donc, on a sur l'ensemble du territoire français, que ce soit pour des données environnementales ou des données sur opérateur, on a un nombre de données relativement faibles, ça c'est dit…
Ce qu'il faut voir, c'est que jusqu'à présent c'était un problème qui n'était pas considéré, jusqu'à il y a quelques années. On sort un peu de la préhistoire. Donc là effectivement, mettre en place, pour répondre à la question précédente, un local dédié pour décontaminer : sur un centre commercial ça va pouvoir s'envisager, sur un grand bâtiment ça va pouvoir s'envisager. Ça va être plus compliqué pour une école maternelle, une école communale, donc on est face effectivement à des problèmes de mise en place de procédures dédiées à ce problème, qui sont extrêmement complexes. La solution sera peut-être effectivement de retirer ces dalles au fur et à mesure, et le plus vite possible.

Xavier Faure
« Monsieur Leclercq, comment avoir accès aux différents modes opératoires que vous avez présenté lors de votre intervention ? Est-ce qu'il y a un site ou une brochure ? »

Christophe Leclercq
Oui, normalement ils sont accessibles via le site monde-proprete.com. Ils sont téléchargeables par toutes les entreprises, y compris les entreprises qui sont non-adhérentes puisque l'action a été financée en très grande partie par le FARE Propreté.

Xavier Faure
On peut rappeler, il y en avait combien de modes opératoires ?

Christophe Leclercq
Il y en a 5 : balayage humide, lavage manuel, spray, lustrage et décapage au mouillé.

Xavier Faure
Laurent Martinon ?

Laurent Martinon
Oui ça m'amène une question que j'avais : est-ce que le FARE Propreté envisage d'accueillir le personnel en régie de l'ensemble des entreprises publiques qui eux ne cotisent pas forcément...

Christophe Leclercq
Non, je ne suis pas responsable du FARE Propreté mais ils vont dire non, parce qu'en fait derrière FARE Propreté, il y a un financement sur la masse salariale et donc ça n'ira pas. Je peux proposer aux collectivités peut-être d'externaliser ce genre de prestations.

Laurent Martinon
Ça pose la question de la formation de l'ensemble du personnel de régie, qui est quand même conséquent puisqu'on a parlé de 200 000 personnes en France.

Xavier Faure
Vous en aviez parlé tout à l'heure Pierre Barret, la formation du personnel en régie, est-ce qu'aujourd'hui vous l'avez commencée ?

Pierre Barret
À ce stade, nous sommes restés sur la mise à disposition de pratiques de nettoyage mais plutôt sur la base de consignes ou d'accompagnement, mais pas une réelle formation, et encore moins une formation opérateur SS4, complétée par une formation plus précisément entreprise de nettoyage, une formation SS4 en tout cas adaptée à la réalisation des opérations d'entretien. On est encore très très loin là pour le coup. Mais j'entends que l'APAVE sait faire.

Xavier Faure
Une autre question ? « Vous précisez que les modes opératoires en sous-section 4 sont à transmettre à l'inspection du travail. Dans les collectivités territoriales, ou autres fonctions publiques d'ailleurs, qui est destinataire de ces modes opératoires ? L'agent chargé de la fonction d'inspection ? ».Qui est-ce qui veut répondre ? Marc Charoy ?

Marc Charoy
Effectivement, autant pour le secteur privé les choses sont bien établies et c'est l'inspection du travail. Je ne suis pas un spécialiste du droit pour les collectivités, mais peut-être que Pierre vous avez des éléments d'information ?

Pierre Barret
Effectivement, on n'est pas soumis à la transmission auprès de l'inspection du travail. On se contente de les transmettre à la Cramif notamment mais c'est le seul destinataire bien sûr avec le passage au CHSCT, devant les instances représentatives, la médecine de prévention, mais pour le coup, effectivement, on n'est pas soumis à l'obligation de transmission. Par contre, ça peut très bien être transmis au CIG, qui dispose ACFI ou d'ISST en fonction de l'endroit où on se trouve, donc inspecteur en santé sécurité au travail ou agent chargé des fonctions d'inspection, il peut être destinataire de ce genre de documents.

Marc Charoy
Oui, le code du travail s'applique, mais en ce qui concerne les modes opératoires s'ils sont destinés aux ACFI, c'est parce que la collectivité a signé un accord avec le CIG pour être accompagné dans la démarche de prévention. Donc c'est pas forcément du systématique.
Vous aviez des représentants du CIG à la table ronde numéro 2, c'est I’acronyme de Centre Interdépartemental de Gestion, en l'occurrence en Île-de-France vous en avez à ma connaissance 4, et notamment ceux qui sont intervenus ce matin c'était le CIG petite couronne qui regroupe 92, 93 et 94.

Xavier Faure
Une dernière question ? « Est-ce que les résultats des études figureront dans la prochaine version du rapport Carto Amiante ? ».

Marc Charoy
Alors Carto Amiante, c'est une action à l'initiative du BTP c'est porté par l'OPPBTP, qui est l'organisme de prévention professionnelle du bâtiment et des travaux publics. C'est déconnecté des autres actions qui couvrent d'autres secteurs d'activité, donc ce ne sera pas clairement dans Carto Amiante. Mais encore faut-il, c'est ce que j'expliquais quand je parlais de solutions pratiques existantes, qu'il y ait une utilisation et une volonté des secteurs d'activité pour faire connaître ces mesures. Quelque part, si on veut avoir la même légitimité sur des campagnes qui sont organisées par des organisations professionnelles, il faut aussi intéresser l'autorité réglementaire qui se prononcera sur une généralisation ou pas des données, au regard des caractéristiques techniques, de la pertinence technique et scientifique qui a été menée dans le cas des études.
Donc pour répondre : non, ça sera pas intégré à Carto Amiante. Pour autant, il s'agit toujours de mutualiser les connaissances et de réaliser des campagnes.

Xavier Faure
J'avais une question pour vous Émeric Besançon : vos collaborateurs, vos salariés, est-ce qu'ils sont très sensibles aujourd'hui à ces sujets ? Est ce qu'ils reviennent vers vous en disant « j'aimerais avoir l'information sur l'amiante ? ».

Émeric Besançon
Sur le sujet amiante non, actuellement nos collaborateurs ne sont pas sensibilisés et ne viennent pas vers nous pour nous demander des informations.

Xavier Faure
Sur quel sujet alors ils viennent vers vous ?

Émeric Besançon
Ils reviennent vers nous plutôt sur les sujets des risques de chute, des risques de troubles musculosquelettiques, plutôt les risques qui sont en lien avec notre activité.

Xavier Faure
Oui, parce que c'est une profession particulièrement exposée à ces risques.
Pierre Barret, tout à l'heure vous disiez que vous pouvez avoir une double action à la fois sur la protection de l'amiante et sur les troubles musculosquelettiques avec une mise en œuvre un peu particulière ?

Pierre Barret
On parlait de la méthode dite de pré-imprégnation, qui consiste à utiliser des bandeaux de lavage qui sont juste imprégnés avec très très peu d'effluents, et donc très très peu de quantité d'eau, contrairement à d'autres opérations de lavage manuelles où l'on va remplir des seaux d'eau, on va faire des mélanges plus importants, on va utiliser des presses pour les différentes franges. Donc effectivement il y a des sollicitations qui sont plus importantes d'un point de vue biomécanique. Pour le coup, on diminue aussi les contraintes qui pèsent sur nos collègues.

Xavier Faure
Merci pour cette précision. Laurent Martinon, vous vouliez apporter une précision, d'ailleurs je voulais vous poser une question sur la 3e étude.

Laurent Martinon
Justement j'allais en parler, un mode opératoire qui a été plus ou moins abordé mais pour dire qu'il est proscrit : c'est le décapage à sec. Donc, c'est un décapage qui n'est pas réalisé à l'humide par définition, avec le même type de monobrosse et le même type de disque abrasif. Néanmoins, c'est un mode opératoire qui a pu prévaloir par le passé ou qui peut encore exister dès lors qu'on n'aura pas suffisamment mouillé, humidifié la zone et dans cette troisième étude qui devrait sortir prochainement, on s'est attaché à suivre ce mode opératoire dans des conditions sécurisées avec des entreprises de désamiantage qui nous ont permis d'avoir des zones confinées.
C'est un mode opératoire qu'on a testé qui nous permettra de produire des données et qui permettront au médecin du travail, au préventeur, de reconstituer des expositions du passé. C'était la première remarque.

La deuxième, c'est par rapport au dossier technique amiante : il recouvre les immeubles privés et publiques. Et pour les logements d'habitation, il ne concerne, pour la liste B qui inclut notamment les dalles vinyles amiante, il n'inclut pas les parties privatives. Ce qui fait qu'aujourd'hui, des locataires sont dans l'ignorance de la présence ou non de dalles vinyles amiante. Ce qui fait quand même un gros trou dans la raquette. Ce texte du Code de la santé publique date de 2011. On attend une révision de sorte que l'ensemble des matériaux soient concernés par le repérage dans les appartements.

Xavier Faure
Et sur la troisième étude ? Sans dévoiler les résultats, qu'est-ce qu'on peut dire ?

Laurent Martinon
Là, on a reproduit les modes opératoires dont on vient de parler là aujourd'hui, plus le décapage à sec.

Xavier Faure
On n'a pas encore de résultats ?

Laurent Martinon
On a les résultats, mais je ne peux pas en parler encore puisque l'étude n'est pas publiée.

Xavier Faure
Merci, il y a une dernière question « Pour l'entretien, on parle de repérage DTA, pourquoi pas de RAT ? »

Marc Charoy
Le repérage amiante avant travaux comme son nom l'indique, doit être fait au préalable des travaux. Mais le repérage amiante avant travaux intègre aussi, dans sa logique de réalisation, d'exploiter l'intégralité des données qui sont portées à connaissance de l'opérateur de repérage, et notamment le DTA. Alors pourquoi le DTA suffit pour les dalles vinyles amiante ?
Tout simplement parce qu'on s'intéresse aux matériaux visibles et accessibles que sont les dalles de sol, en l'occurrence pour le nettoyage des dalles vinyles, donc forcément ces dalles vinyles, si elles existent dans un bâtiment, on les retrouvera systématiquement dans le DTA. Donc, si on a un DTA qui est complet, c’est-à-dire, qui a été correctement réalisé et qui est exploitable, dont on peut extraire les informations, il n'y a pas de raison de faire un repérage amiante avant travaux pour le nettoyage. Mais c'est certainement les dalles vinyles et peut-être le nettoyage des parois, comme l'évoquait Christophe Leclercq tout à l'heure, qui constituent peut-être une exception dans le fait qu'on n'ait pas forcément besoin de faire de repérage amiante en avant travaux.

Xavier Faure
Voilà, la précision est apportée. On arrive au terme de cette table ronde !