Retrouvez les témoignages et retours d’expériences de 3 psychomotriciennes ayant mis en œuvre des actions de prévention des TMS en Ehpad.

Stéphane Da Silva – Ingénieur conseil, pilote secteur sanitaire et médico-social (SMS) – Cramif

On a voulu cette après-midi plutôt être dans le cadre d’échange avec vous tous. Donc n’hésitez pas à intervenir.
On va commencer la première partie. Je demande nos trois intervenantes – nous avons trois psychomotriciennes – donc Cécile Dormia, psychomotricienne de la résidence Orpea à Saint-Rémy, je demande au contrôleur de sécurité qui accompagne aussi l’établissement de venir,  Agnès Le Roy Galland qui est contrôleur de sécurité du 78 ; Madame Élodie Frouart, psychomotricienne à la résidence Sofia dans le 91 avec Madame Sandrine Rémy qui est contrôleur de sécurité ; et Madame Mylène Philippet, psychomotricienne de la résidence La Bruyère 92, malheureusement, la contrôleur n’a pas pu se rendre disponible cette après-midi.
Alors, ce qu’on va vous demander, petit exercice, c’est de nous faire part de comment vous avez appréhendé la prévention au sein de votre établissement, vos difficultés, votre parcours. Je ne sais pas si vous êtes préventrice depuis combien de temps, comment vous avez appréhendé la prévention, comment ça s’est fait, quelles sont les actions qui ont été mises en œuvre, votre avis aussi sur les démarches de prévention. On en a parlé un peu ce matin, vous connaissez aussi. Vraiment, comment vous avez intégré aussi ceci dans votre activité puisque vous êtes psychomotricienne avant tout, il me semble, vous n’êtes pas encore passée à 100 % à faire de la prévention. Comment vous avez intégré ceci, on va dire, dans vos activités ?
Je laisse la parole à une des trois psychomotriciennes. Qui veut commencer à ouvrir le bal de nous faire part et de présenter votre établissement aussi, qui vous êtes ?

Cécile Dormia - psychomotricienne - Résidence Orpea Saint-Rémy (78)

Déjà, merci beaucoup pour l’invitation de venir partager notre expérience.
Alors, moi je suis sur une partie de mon temps psychomotricienne au sein de la résidence Orpea Saint-Rémy qui se trouve à Saint-Rémy-lès-Chevreuse où je suis psychomotricienne et animatrice en prévention depuis 2018. Ça fait un petit peu plus de cinq ans que nous nous sommes lancés dans cette démarche de prévention. Et j’ai la chance d’être accompagnée par une directrice adjointe qui est tout à fait partante pour tout projet, tout sujet en lien avec la prévention. Donc ça, c’est vraiment un point très aidant.

Ce que je vous propose, c’est de juste vous expliquer un petit peu le cadre de notre résidence qui est une résidence très atypique. Nous sommes un village, un village sénior, parce que nous avons sur un parc de huit hectares, un Ehpad de 259 lits, une résidence-services séniors d’une soixantaine de logements, une clinique de soins médicaux et de rééducation gériatrique, une école d’aide-soignante, une crèche. Donc un village avec au centre du village trois restaurants, une épicerie, une bibliothèque, une piscine, un PASA, une salle de fitness, une salle de spectacle… Vous avez compris, nous sommes un village.
Et donc, c’est important de le dire parce que chez nous, les risques sont démultipliés. Moi j’interviens uniquement au niveau de l’Ehpad et sur la partie médicalisée, nous sommes organisés en trois secteurs.  Chacun des trois secteurs fonctionne comme un petit Ehpad avec son équipe pluridisciplinaire. Donc ce qui veut dire que nous sommes trois psychomotriciennes, nous avons trois adjoints de direction, trois IDEC, comme trois équipes de trois Ehpad. Au niveau de l’ergothérapie, nous n’avons que deux ergothérapeutes pour les trois secteurs et puis deux médecins gériatres, un médecin prescripteur, une art-thérapeute, une musicothérapeute, une sophrologue, la grosse équipe. Mais du coup, c’est une richesse. Et vous allez voir qu’on se sert de l’ensemble de ces professionnels dans notre démarche de prévention.
Les risques sont démultipliés chez nous. On a beaucoup parlé de lutte contre les TMS, je pense qu’on a commencé par ça. Aujourd’hui, on voit un petit peu plus large parce que nous on a des risques en lien avec les déplacements à l’extérieur. Oui, parce que je ne vous ai pas dit que sur les trois secteurs, il y a deux ou trois bâtiments médicalisés de trois étages et des petits pavillons individuels. Ça veut dire qu’on fait des prises en soins à l’extérieur dans les pavillons individuels des résidents. Ça veut dire qu’il y a de la manutention, des transferts à faire à l’extérieur. Ça veut dire qu’il y a une grosse cuisine centrale, mais que ça part de la cuisine centrale pour aller sur les différents secteurs. Pareil pour la lingerie, etc.
Alors moi, on m’a proposé de devenir animatrice en prévention en 2018. Ça m’a tout de suite plu parce que j’avais déjà une sensibilité, j’étais déjà formatrice en gestes et postures. Et donc avec mes collègues psychomotriciennes et ergothérapeutes, on formait les soignants à gestes et postures, et à se mettre dans une bonne posture pour faire des manutentions. C’était avant, tout à fait. Et j’ai dit oui pour être animatrice en prévention en me disant : « on va aller plus loin et ça va me permettre d’accompagner en prenant un petit peu plus de hauteur ».
Et j’ai vu évoluer le discours. Et aujourd’hui, on en est vraiment arrivé au discours : « on ne porte plus ». L’objectif, c’est zéro portée. À chaque fois que je dois porter, il existe une aide technique qui va permettre d’activer la mobilité du patient. Et aujourd’hui, le discours est vraiment celui-ci, et on y arrive. Et j’ai beaucoup de chance parce que sur mon site, chaque année, on a été écoutés par la direction sur l’acquisition des aides techniques. Et aujourd’hui, on a vraiment tout le panel des aides techniques. On a créé des arbres décisionnels pour aider les soignants à choisir la bonne aide technique et on a l’ensemble des aides techniques. On va en acquérir d’autres. Par exemple, la chaise de relevage qu’on a acquise l’année dernière, il nous en faudrait un petit peu plus. Mais on a les chaises, on a les guidons fixes, roulants, pivotants, draps de glisse, draps de rehaussement, chaise de douche électrique, plusieurs, etc.
Je pense que dans la démarche de prévention, il faut y aller étape par étape, qu’on ne peut pas tout faire d’un coup. Donc il faut cibler les priorités. Et petit à petit, chaque année, on a posé des briques supplémentaires au niveau de la démarche.

Alors quand j’ai su que j’allais venir aujourd’hui, j’ai essayé de réfléchir un petit peu à par où on a commencé et comment ça s’est fait. Pour essayer de synthétiser un petit peu, je pense qu’on a commencé il y a un peu plus de cinq ans déjà à mettre à jour notre document d’évaluation des risques professionnels. Et là, je me rappelle, c’étaient des grosses réunions avec tous les acteurs, responsables travaux, cuisine, maintenance, les IDEC, etc. Et en fait, ça a été le premier pavé posé où on s’est questionné ensemble : « quels sont les risques sur notre établissement ? ». Il n’y a eu pas mal de plans d’action qui ont découlé de ça. Donc ça, c’est la première étape.

Puis après, on a mis en place une réflexion autour des accidents du travail. On a travaillé la fiche de recueil des accidents du travail en se disant : « finalement, on n’a pas assez de matière pour pouvoir les analyser ». Et on a envie, quand on recueille l’accident du travail, de déjà sensibiliser un petit peu les personnes qui ont eu l’accident, puis qu’elles puissent nous dire est-ce que ça aurait pu être évité, comment, peut-être qu’elles avaient des pistes déjà de réflexion. Donc ça, ça a été la deuxième chose qu’on a mise en place avec des commissions d’analyse des accidents de travail trimestrielles.
Mais une information, moi, dès qu’il y a un accident de travail, on m’appelle, on me dit : « il y a un accident ». Et souvent, il y a une action qu’on peut mettre en place de suite, notamment si c’est en lien avec une manipulation d’un résident. De suite, on regarde le plan de soins, on regarde s’il faut refaire une évaluation du transfert, si l’ergothérapeute doit intervenir et on met en place l’action correspondante. Et tous les trimestres, on se pose en équipe plus importante et on reprend l’analyse de chaque accident du travail. Alors il y a quelques années, on utilisait la méthode des 5 M – je ne sais pas si ça vous parle – aujourd’hui, on est dans la méthode des pourquoi. Donc les cinq pourquoi, on se questionne pourquoi.

Et si on a évolué dans notre façon d’analyser les accidents du travail, c’est que nous avons aussi la chance, au niveau du groupe Orpea, d’avoir des référents siège qui nous aident beaucoup. On a un médecin responsable de la démarche et aujourd’hui un service santé et sécurité au travail qui sont très aidants, qui nous donnent les outils, qui nous aident parfois à débloquer des situations où moi en tant qu’animateur prévention, des fois je suis un peu limite. Je n’ai pas toutes les compétences sur ce qu’on peut faire pour lever ce risque, donc je peux contacter nos ingénieurs santé et sécurité au travail.

La commission d’analyse des accidents du travail, petite spécificité, on avait convenu ça avec la direction, on invite toujours la médecine du travail. Ils viennent, pas toujours, parfois ils viennent, mais on invite notre médecin. Et puis sont présents tous les membres de tous les services restauration, maintenance, les IDEC, adjoints de direction, les soignants, on invite toujours au moins un soignant pour vraiment les impliquer dans la démarche. Et on fonctionne toujours pareil. Donc je donne les chiffres du trimestre, on analyse les accidents du travail, on voit s’il faut ajuster le DUERP, est-ce qu’il y a un risque qui a émergé qui n’était pas dans le DUERP et on le met à jour à ce moment-là ou pas. Et puis on reparle des plans d’action qui ont été définis lors de la dernière commission et on voit où on en est. Et on avance comme ça, étape par étape.

À la suite de la commission d’analyse des accidents du travail, on reste en comité plus restreint. Donc c’est notre copil prévention des risques professionnels où restent donc l’adjointe de direction, la directrice, ma collègue ergothérapeute, Agnès. Je ne vous ai pas dit, c’est qu’Agnès est formatrice d’acteurs PRAP. En fait au sein du village, il y a l’animatrice, il y a Agnès, la formatrice d’acteurs PRAP, donc c’est elle qui forme nos soignants à être acteurs PRAP. Ce qui fait qu’on en est à un peu plus de 35 aide-soignants formés, acteurs PRAP. Et donc ça, c’est très aidant parce que forcément, c’est elles qui vont nous faire remonter les situations à risque. Et ça, ça s’est fait au fur et à mesure des années.
Donc, on reste en comité un petit peu plus restreint pour notre copil. Et là, on va parler d’autres sujets en lien avec la prévention. On a beaucoup parlé de TMS Pro quand on était dans le programme. C’était le moment où on faisait le point des avancées. On parle de nos activités bien-être pour les salariés qu’on a mis en place il y a quelques années en s’appuyant sur les ressources internes. Aujourd’hui, nos soignants ont accès à la salle de fitness. Une fois par semaine, ils peuvent s’inscrire à un massage assis, il y a un créneau dédié. La musicothérapeute propose du massage sonore. Et la sophrologue propose des séances de gestion du stress en utilisant la cohérence cardiaque pour les soignants.

On parle également de notre gazette. Donc ça, on a mis en place la gazette il y a un an à peu près. L’idée c’était de se dire : « on parle de plein de choses à la commission d’analyse des accidents du travail, mais il faudrait en faire une restitution à l’ensemble des soignants ». Donc, on a sorti notre gazette de prévention des risques. Et après chaque commission, c’est imprimé, c’est donné au personnel soignant. Et on reprend des bonnes pratiques en lien avec un accident de travail qui a eu lieu. Donc ça peut être par exemple les bonnes pratiques pour éviter les coupures ou pour éviter les glissades, ce genre de choses. Une fois, la médecine du travail nous avait demandé de mettre des recommandations pour le travail de nuit, donc c’est passé sur cette gazette. On note le nombre d’accidents du travail déclarés et le nombre avec AT et puis les messages qu’on veut faire passer en lien avec la prévention. Et en bas de la gazette, c’est bien marqué « vos interlocuteurs sont… » et chaque personnel qui arrive sait à qui il peut s’adresser sur tout sujet en lien avec la prévention. Voilà pour ça.

Et puis depuis peu aussi, on a mis en place des petites boîtes à idées. Donc ça, c’est tout récent, ça fait quatre mois. Dans chaque salle de pause, il y a une petite boîte à idées en lien avec la prévention s’ils veulent mettre anonymement ou pas quelque chose dans la boîte. Voilà un petit peu comment on fonctionne.
L’importance également des formations sur tout ce qui est aide technique, parce que c’est bien d’en avoir, mais il faut les utiliser et au bon moment. Donc nous sommes plusieurs formateurs sur l’utilisation des aides techniques, donc les trois psychomotriciennes, les deux ergothérapeutes forment le personnel soignant et puis nos partenaires qu’on fait venir chaque année – donc un certain nombre sont là aujourd’hui d’ailleurs – ils viennent former nos soignants. Et puis après, j’ai envie de dire, c’est au fil de l’eau, c’est la répétition.
L’idée, c’est que chaque soignant qui arrive, elle ait l’information de qui elle peut interpeller si elle a une difficulté ou un questionnement avec l’utilisation d’une aide technique. Parce que les aides techniques sont marquées au niveau du plan de soin, donc ça va être marqué qu’il faut utiliser telle aide technique. Mais peut-être que là, mon résident, il est trop fatigué pour pouvoir ou « je ne sais pas trop comment je vais utiliser le drap de glisse ». Donc il faut qu’on les accompagne au jour le jour. Donc on a la chance d’être nombreuses, donc c’est peut-être plus facile aussi pour nous à ce niveau-là.

J’ai oublié une chose, c’est qu’on a aussi mis en place il y a trois ans maintenant, la présentation annuelle de la démarche de prévention. Donc là, une fois par an, au mois de mars, on présente à l’ensemble du personnel notre démarche de prévention. C’est la synthèse de l’année, combien on a eu d’accidents, le matériel qu’on a acquis et toutes les actions qu’on a mises en place en lien avec la prévention. Et tout ça pour dire qu’on en parle, on en parle en staff de direction, on en parle au quotidien. Et je pense qu’aujourd’hui, on est passés d’un moment où on agissait beaucoup en curatif, il y avait les accidents du travail, il fallait agir pour ne pas que ça se reproduise, on commence à pouvoir agir en préventif, on commence à se questionner et on commence à mettre en place des actions pour être plus dans la prévention et éviter l’accident.
Voilà un petit peu comment on fonctionne sur mon site. Je suis assez contente quand je regarde ces cinq dernières années, de me dire tout ce qu’on a mis en place.
Et peut-être juste les difficultés. Alors les difficultés qu’on rencontre, il y a un lien un peu avec le turnover même s’il n’est pas énorme chez nous. C’est vrai que parfois, on forme des acteurs PRAP, on forme des soignants et puis le turnover fait qu’ils s’en vont, il faut recommencer. Les vacataires, quand ce sont des vacataires récurrentes, j’ai envie de dire, on arrive à les former. Mais quand ce sont des vacataires parfois plus ponctuelles, c’est compliqué dès l’arrivée de pouvoir les former, leur dire comment on utilise les différents outils. Donc là, c’est un peu le sujet qu’on veut travailler, on est en train de réfléchir à un livret, on veut travailler ce sujet-là dans les mois à venir.
Et peut-être aussi, en termes de difficultés, le temps consacré à la démarche au début. Alors moi, dans mon organisation, j’avais besoin d’avoir vraiment un temps formel. Donc je prenais une demi-journée par semaine pour ça, pour penser les projets, pour regarder les chiffres, pour organiser, voir les plans d’action. Et en fait, une fois que les outils sont créés et une fois que la démarche est lancée, aujourd’hui, j’y passe beaucoup moins de temps et ça se fait au fil de l’eau. Donc ça aussi, je pense qu’il ne faut pas avoir peur, je pense qu’il faut se lancer avec les outils qu’on a, les ressources qu’on a sur chacun des Ehpad et puis faire petit à petit, pas vouloir tout faire en même temps et on y arrive.
Voilà un petit peu mon ressenti. Je ne sais pas si j’ai pensé à tout dire, mais merci beaucoup.

Stéphane Da Silva

Merci beaucoup. Élodie Frouart, faites-nous part aussi de votre retour d’expérience, présentez votre établissement aussi.

Elodie Frouart – Psychomotricienne - Résidence Sofia (91)

Merci. Alors vous avez déjà entendu ma directrice tout à l’heure. Je suis un peu moins à l’aise à l’oral qu’elle donc j’ai mon petit papier pour m’aider.
Je travaille à la résidence Sophia, c’est un Ehpad privé et indépendant de 75 résidents. On accueille des résidents de 73 à 103 ans. On a 56 employés pour 49 équivalents temps plein. La résidence comprend trois étages, une unité protégée au rez-de-chaussée et on a également un accueil de jour qui est rattaché à l’Ehpad.
J’exerce la fonction de psychomotricienne depuis 2006, ça commence à faire un petit peu. Alors au fur et à mesure des années, on a vu augmenter le niveau de dépendance des résidents. Actuellement, sur 75 résidents, on a 48 résidents en fauteuil roulant, ce qui est quand même conséquent. Et en raison du nombre d’arrêts de travail liés aux manutentions sur la structure, on a été ciblés par le programme TMS Pro en 2019.
On était déjà dans une démarche de prévention. Par ma fonction, je me préoccupais déjà beaucoup de la préservation de la santé de mes collègues. Je gérais la location et l’achat du matériel de prévention, tout ce qui est lève-personnes mobiles, verticalisateurs, disques de transfert, draps de glisse. Et avec mon revendeur médical, je m’occupais aussi de faire la formation à l’utilisation du matériel. Il était donc logique que je devienne la référente prévention TMS sur l’établissement.
On est rentrés réellement dans la démarche TMS Pro fin 2021, ça a été retardé un peu par la crise Covid. Je ne connaissais pas la mission qui m’était proposée, c’est pour ça que je suis partie faire la formation à l’hôpital Saint-Joseph avec Monsieur Sabathe qui a parlé tout à l’heure. J’ai fait cette formation au premier semestre 2023, Madame Ledit au deuxième semestre 2023. La formation a été financée à 70 % par un contrat de prévention Cramif.

J’étais un peu stressée par mon nouveau rôle au début de la formation, j’avoue. Mais au fur et à mesure des jours, j’étais quand même convaincue et rassurée par ce que je devais faire après. En tant que psychomotricienne, vraiment la démarche de prévention centrée sur le soin de manutention, ça apparaît comme une évidence. Et ça a remis aussi un peu en question ma pratique quand même.
Cette formation m’a aussi appris une méthodologie, ça m’a aidé à avancer sur le parcours TMS Pro. Je suis allée enquêter d’abord auprès des collègues pour savoir quelles étaient les tâches à l’origine de plaintes, en quoi consistaient ces plaintes, quelles importances aussi ils donnaient à ces plaintes et s’ils avaient des suggestions d’amélioration. Je suis allée comparer avec les accidents de travail recensés dans l’Ehpad. J’ai regardé aussi s’il y avait des jours d’arrêts de travail en même temps. Donc, ça m’a permis de déterminer les situations à risques prioritaires, ça nous a révélé la toilette au lit et l’habillage de résidents présentant des raideurs, le rehaussement au lit et le relevé du sol d’un résident suite à une chute.
Et je suis allée observer la situation prioritaire qui était la plus à risque, qui est la toilette et l’habillage d’une résidente présentant d’importantes raideurs et qui mettait vraiment en difficulté les soignantes. Donc pour cette observation, j’ai listé dans un tableau les différentes tâches effectuées par les soignantes afin de comprendre la manière dont elles procédaient et comprendre pourquoi elles s’y prenaient comme ça, et bien sûr, recueillir toutes leurs remarques. Ça m’a permis de faire ressortir les déterminants sur lesquels on pouvait agir, comme les vêtements de la résidente, l’organisation du travail, le fauteuil roulant, le matériel de manutention. Et à la suite de cette observation, j’ai établi un plan d’actions.

Alors en parallèle, comme j’avais fait la formation à Saint-Joseph, j’ai eu envie d’acheter plein de choses. Donc j’ai suggéré au gérant d’établissement l’achat de nouveaux matériels qui favorisent le maintien de la mobilité des résidents et qui facilitent la prise en charge des soignantes pour répondre aux déplacements spontanés. Alors on achetait déjà au préalable des accoudoirs WC pour aider au relevé des toilettes.
Mais on s’est rendu compte aussi pour sortir du lit que comme on avait énormément de matelas à mémoire de forme, c’est assez limitant pour le déplacement. Et du coup, j’ai découvert les matelas en polymère cellulaire et ça facilite quand même la mobilité. C’est une mousse qui est quand même à prévention des escarres et qui a en plus un peu de ressort, un effet rebond, et qui permet aux résidents de se mouvoir. Alors que le matelas à mémoire de forme, j’ai des résidents qui me disent : « mais je suis dans un trou, je ne suis pas bien », sauf que je ne voyais pas ce que je pouvais leur mettre à part ça. Et du coup, partir sur ce matelas-là, on a commencé à en changer quelques-uns et déjà, les résidents montrent que c’est vraiment plus confortable et plus facile de bouger.

On a aussi passé un contrat de prévention avec la Cramif pour acheter de nouveaux matériels. On a investi dans 25 lits six fonctions sans cadre sous le lit. Je précise parce que jusque-là on avait essentiellement des lits et deux fonction. Le fait qu’il n’y ait pas de cadre sous le lit, c’est facilitant pour le ménage des collègues ASH. Et après, les six fonctions, on peut avoir la position hamac ou transat selon comment on l’appelle et aussi la position fauteuil. Alors la position hamac, ça permet, en relevant au niveau des genoux, d’éviter que la personne glisse. Une fois qu’on l’a remontée dans le lit, ça évite qu’elle reglisse derrière et qu’on ait à la remonter 36 fois dans la même journée ou après l’avoir remontée. Et la position fauteuil, ça permet une meilleure position pour l’aide alimentaire si l’aide alimentaire doit se faire au lit, pour la prise de repas.

On a investi aussi dans trois rails plafonniers en H avec moteur fixe. Alors le fait que le moteur soit fixe et soit dans la chambre, ça a l’avantage d’être toujours à disposition. C’est vraiment un gain de temps pour les soignantes parce qu’elles n’ont pas à aller chercher le matériel dans le couloir. Donc là, ça incite vraiment à l’utilisation que ce soit sur place. Alors nous qui n’avions que des lève-personnes mobiles, je dois avouer que les rails en H, c’est quand même merveilleux. L’avantage du rail en H, ça permet de couvrir toute la surface de la chambre, on n’a pas besoin de suivre un L, on fait vraiment en fonction de ce qu’on a besoin de faire, on fait ce qu’on veut avec le rail, on est vraiment concentré sur le résident.
C’est vraiment une meilleure prise en charge, un meilleur accompagnement du résident parce qu’on n’a pas un appareil entre nous et la personne. Il n’y a pas le poids de l’appareil aussi à bouger. Ça peut être aussi une aide pour les pansements, pour les collègues IDE parce qu’on peut soulever un membre pour faire les pansements au talon ou au bras par exemple. On peut faire un relevé du sol sur l’ensemble de la surface couverte et bien sûr un transfert lit fauteuil.
Et moi j’ai particulièrement apprécié, la semaine dernière, on avait dû changer le matelas d’une résidente qui était alitée, qu’on ne pouvait pas trop mettre au fauteuil, on voulait la laisser un peu tranquille. Et vraiment, c’était super agréable de pouvoir la soulever délicatement, elle était tranquille dans sa petite sangle. On a pu changer le matelas air par un autre sans trop l’embêter. C’était vraiment un confort pour elle et appréciable pour nous de ne pas être embêtés par un lève-personne mobile. Pour ça, j’adore les rails en H.

On a aussi investi dans un Raizer que vous pouvez voir au showroom, qui est un dispositif d’aide au relevé du sol qui est utilisé pour les résidents qui ne peuvent pas se relever seuls. Ça permet de mettre la personne en position assise.
On a aussi investi dans deux chaises de douche relevable électriquement pour faciliter la mise du résident à la hauteur de la soignante pour les soins. On s’est dit que ça pouvait être bien aussi pour les soins de pédicurie, pour le pédicure qui vient dans la maison. Ça peut être bien.
Et pour la lingère, on a investi dans un chariot de linge à fond constant et dans une rehausse sur mesure pour mettre à hauteur les machines à laver pour éviter qu’elles se baissent.
Donc là, c’est tout ce qu’on avait mis dans le contrat de prévention.
Juste un aparté concernant les rails. Au-delà de la nécessité technique qui est bien sûr de prévenir les TMS, il y avait aussi un enjeu esthétique, la nécessité que le rail puisse s’inscrire parfaitement dans l’environnement du résident sans casser le côté très chaleureux de nos chambres. C’est pourquoi on a fait un premier essai seulement avec trois rails, un par étage. Rassurée par l’esthétique et consciente de l’utilité, la direction accepte prochainement de mettre 30 nouveaux rails dans la maison. Donc on est plutôt ravis de ça, surtout que les collègues sont vraiment ravis de l’utilisation. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai eu une collègue qui me disait que ça lui changeait la vie. Donc je vous invite à investir dans les rails. Et les premiers avis des familles sont aussi positifs, elles trouvent le rail discret et qu’il se confond bien avec l’architecture de la chambre.
Alors bien sûr, pour mener à bien toutes ces actions, il faut forcément du temps. Ça ne m’en a pris pas mal. Et comme préconisé à l’hôpital Saint-Joseph, j’ai essayé de m’organiser un jour par semaine pour la démarche de prévention. Comme on est deux psychomotriciennes sur l’établissement, le gérant a accepté d’augmenter ma collègue d’une demi-journée par semaine pour compenser le temps que je dédie à la démarche.

Dans les actions à venir – donc on n’en est qu’au début, j’ai eu pas mal de choses de faites en un an, c’était assez dense – on réfléchit à changer nos fauteuils de chambre par des fauteuils releveurs pour le maintien de l’autonomie. On va continuer le renouvellement de nos lits deux fonctions par des lits six fonctions. On envisage d’équiper donc rapidement 30 autres chambres par des rails plafonniers. On va mettre davantage de draps de glisse pour à terme en avoir un par chambre. Et on investit également dans des fauteuils roulants alors qu’ils sont plus onéreux pour les fauteuils confort, mais plus adaptés à certains de nos résidents pour améliorer leur positionnement. Ça évitera aux collègues soignantes de devoir vraiment relever et repositionner un résident plusieurs fois, en fait. Quand ils sont mal positionnés, ils ont tendance à glisser. Là, l’objectif c’est qu’ils soient vraiment mieux et que les collègues n’aient pas à les relever plusieurs fois dans une journée.
Et la prochaine étape, qui n’est pas des moindres, c’est de faire des formations aux soins de manutention. Comme vous l’avez entendu ce matin, faire cette formation pour l’ensemble des salariés. Donc on voit bien que l’achat seul du matériel n’est pas suffisant, il faut vraiment faire des formations. Et le but, c’est bien sûr de faire comprendre aux soignantes l’intérêt d’intégrer un outil d’aide à la mobilisation suite à l’évaluation des capacités du résident, l’intégrer dans le soin. Il faut leur faire comprendre l’intérêt de les utiliser pour leur propre santé, pour le maintien de l’autonomie des résidents et pour leur satisfaction personnelle de faire du bon travail, et sortir de l’idée qu’un soignant doit porter.

Et en conclusion, donc suite à mon expérience, alors même si le côté paperasse de TMS Pro prend du temps, il faut voir ça vraiment comme un levier pour nous aider à prévenir le risque de TMS, et ça nous donne une méthode en fait. Ça, je l’ai compris un peu plus tard, je ne l’ai pas compris tout de suite. C’est vraiment un outil qu’il faut s’approprier, il faut établir des indicateurs de suivi de la démarche qui soient cohérents pour sa propre structure. Il ne faut pas remplir juste pour satisfaire aux injonctions de la Cramif. Cette démarche ne peut avoir un effet bénéfique que si on se l’approprie et qu’on en comprend l’intérêt. Et donc nous n’en sommes qu’au début de la démarche. Et nous allons continuer à œuvrer pour préserver la santé de notre personnel. Merci de votre attention.

Stéphane Da Silva

Madame Mylène Philippet.

Mylène Philippet – Psychomotricienne - Résidence La Bruyère (92)

Bonjour à tous. J’ai une petite particularité, en fait je viens tout juste de changer d’établissement. Donc, je vais témoigner de mon expérience dans mon ancien établissement et dans mon arrivée toute nouvelle depuis un mois dans ce nouvel établissement. En fait dans les deux établissements, on était un Ehpad avec une particularité, c’est qu’on était spécialisés Alzheimer. Donc en fait, c’est une unité protégée géante, dans l’ancien de 90 lits, dans le nouveau de 105 lits, avec des résidents accueillis qui sont à des stades modérés à sévères de la maladie, et qui du coup donnent une petite contrainte, un petit challenge supplémentaire dans la gestion de tout ça, des TMS.
Et en fait, moi je suis arrivée dans ce poste avec une direction qui était très tournée sur tout ce qui était prévention des risques, parce qu’une directrice qui était une ancienne cadre de santé, qui avait cette connaissance du terrain et qui avait cette envie de faire évoluer les choses dans son établissement. Et en fait je suis arrivée – je pense que j’ai pris mon poste en septembre – et j’ai été directement inscrite sur la formation Saint-Joseph pour devenir préventrice. Donc je ne savais pas du tout dans quoi je m’embarquais.
J’ai dit oui parce que ça avait l’air très intéressant et qu’en tant que psychomotricienne, c’est vrai que comme on l’a déjà dit, on a des appétences, on a des connaissances et ça donne envie de voir une autre façon de pratiquer les choses. On a cette connaissance du déplacement spontané, mais pas comme on peut nous la montrer dans cette formation. Et c’est vrai que moi j’avais ma petite expérience de terrain de quelques années de jeune diplômée et je débarque dans cette formation en me disant : « bon, je ne sais pas trop ce qu’on va m’expliquer, mais on va y aller. De toute façon, il y a toujours des choses à prendre ».
Et je sais que j’arrive dans cette formation, je sors le premier jour, je me dis : « ouh là, il y a du boulot ». Et il y a du boulot déjà pour comprendre tout ce qu’on nous dit, même si on a des connaissances, et puis tout le travail que ça donne en perspective derrière sur une pensée beaucoup plus large que juste notre propre fonction et notre propre exercice. Donc ça déjà, c’est quelque chose.
Et en fait, ce que j’ai beaucoup apprécié, pour moi c’était vraiment une philosophie, c’était un regard particulier qu’on a eu grâce à cette formation, c’est qu’en fait ça a mis le doigt sur quelque chose dans ma pratique qui me gênait. Parce qu’en tant que psychomotricienne, on apprend un peu la gériatrie, mais c’est très différent la théorie de la pratique. Donc déjà quand on arrive sur le terrain, je trouve qu’on voit ce que c’est, une institution. On voit le travail des soignants qu’on ne connaissait pas jusque-là. Et puis on voit comment sont leurs corps, comment sont leurs attitudes, quel travail ils font sur le terrain, comment ça peut être pénible et ça peut être vécu comme extrêmement pénible. Et en fait assez rapidement, moi aussi je suis devenue formatrice gestes et postures, tout en ayant une certaine insatisfaction parce que je voyais bien qu’il y avait quelque chose qui ne marchait pas du tout. Mais manque de connaissance, peut-être manque de temps, d’assurance, je n’arrivais pas à mettre le doigt sur la problématique en fait que je rencontrais dans mon propre travail.
Et puis formation, il y a eu. Et là, j’ai compris qu’effectivement, moi aussi je portais des gens, que le port de charges lourdes… oui, ça paraît évident de ne pas se faire mal au dos. En fait dans le terrain, dans l’action, avec les soignants, au plus près des soignants, on finit par faire ça aussi parce qu’il y a aussi une forme de culture commune. C’est-à-dire que les soignants fonctionnant comme ça, moi étant clairement jeune diplômée, si on me dit : « tu prends la jambe là et tu m’aides à mettre sur le fauteuil », à un moment donné, on est dans l’action, on y va parce qu’il faut aider.

Et puis effectivement, je me suis rendue compte suite à toutes ces réflexions que finalement, oui, il faut aider, mais on fait complètement à la place des gens. Et on se retrouve à adhérer à cette mentalité de faire à la place de. Et on oublie tout ce que la personne est capable de faire. Et c’est vrai qu’on ne parle pas des capacités des personnes. On ne part pas de ce qu’ils peuvent faire ou pas faire. On part d’office sur « bon, de toute façon là il ne comprend pas les consignes, moi je laisse tomber. De toute façon, ils sont déments, pas grand-chose ».
Et puis finalement, le fait d’avoir été sur le terrain, moi j’ai eu quand même un petit peu la solitude en arrivant dans mon établissement parce que j’avais une directrice adjointe qui avait fait la formation des dirigeants qui étaient partis. Donc je me retrouve, nouvel établissement, nouvelle formation, toute seule. Et personne ne sait ce que j’ai fait comme formation et ce que je vais faire. Du coup, il y a déjà eu ce petit challenge d’aller récupérer les encadrants, la direction, les soignants et d’expliquer au fur et à mesure « voilà ce que j’ai fait, voilà ce que j’ai entendu et qu’est-ce qu’on peut espérer faire chez nous ? ». Donc on a un peu attendu au tournant dans ces cas-là.
Et en fait, ce que j’ai trouvé vraiment extrêmement aidant, c’était cette démarche TMS Pro. Parce que pour moi qui étais seule dans mon établissement, j’étais la personne-ressource, mais sans avoir peut-être de cohésion. J’avais cette directrice qui avait envie qu’il se passe quelque chose, mais qui n’avait pas forcément le temps, il n’y avait rien qui était mis en route finalement, il fallait impulser quelque chose. Et le fait d’avoir ce support-là de TMS Pro, pour moi, ça a été très aidant. Parce que ça a permis de donner – je ne sais pas si c’est le terme approprié – un travail sérieux, échelonné, d’expliquer les étapes.
Et finalement, c’est assez intuitif quand on suit les étapes, d’expliquer le cheminement. C’est comme un appartement, je fais un état des lieux, je regarde ce qu’il y a, je regarde les problèmes et j’essaie de les résoudre. J’essaie de trouver une solution et de suivre ces solutions, et de voir si c’est pérenne ou si on peut le pérenniser, comment le faire. Et finalement, tout ça, pour moi, la démarche, elle m’a aidée.

Toute seule, j’aurais eu un grand support, mais je pense que ça aurait été peut-être difficile pour ma direction de me soutenir. Alors que là, le fait même de suivre ces étapes, ça m’a permis de réunir ma direction autour de ce sujet-là et de discuter sérieusement de « qu’est-ce qu’on fait dans cet établissement ? On a des problèmes de rehaussement au lit, qu’est-ce qu’on peut faire pour les personnes ? ». Et j’étais dans un petit groupe, un groupe familial de maison de retraite qui n’a pas forcément beaucoup de ressources, qui n’a pas forcément une grande connaissance non plus de tout ce qui est prévention.

Et ça m’a aidée déjà en fait à monter un petit peu les échelons, c’est-à-dire à déjà intervenir auprès de mes collègues – alors tout petit échelon, mais premier échelon – puis d’aller voir justement ma direction, d’impulser quelque chose et d’essayer de faire en sorte que ça aille un peu plus loin. Dans les faits, le « un peu plus loin » a échoué. Mais j’ai une directrice qui m’a complètement suivie sur le projet, qui a été extrêmement motrice avec moi, j’ai pu faire adhérer pas mal de salariés à cette cause. Et pour la petite histoire, on a tous quitté le navire pour aller dans le même établissement.
Donc au final, même si là on n’a pas ce support de TMS Pro, j’ai déjà eu cette pratique-là, ma direction a déjà eu cette pratique-là. Du coup, l’espoir est qu’on puisse remettre des choses en place dans ce nouvel établissement qui pour le coup, lui, est au stade moins 8 000 de la prévention puisqu’il n’y a jamais rien eu. On était sur un établissement avec un très grand turnover du personnel encadrant, de la direction. Et en fait, ils n’ont jamais pu avoir des objectifs plus loin qu’un-deux ans. Donc là, nouvel établissement, nouveau challenge, on repart à zéro et on repart sur cette dynamique finalement de prévention et d’accompagnement des salariés.
Et je pense que la difficulté aussi qu’on peut rencontrer par rapport à tout ça, c’est effectivement le fait peut-être d’être seul. Je pense que c’est important de vraiment impulser une dynamique et qu’on travaille en équipe. Ce n’est pas le préventeur tout seul dans son coin qui va avoir ses idées et la direction qui dit : « oui, ça, je veux bien payer ; ça, je ne veux pas payer ». Ça, ce ne sera jamais pérenne. Quelque chose, je pense, qu’il est important de prendre en compte, c’est qu’on a besoin de penser à plusieurs. C’est un vrai projet d’établissement en fait, la santé au travail, c’est quelque chose qui est primordial. Et tant qu’on n’est pas plusieurs à être moteurs, je pense que ça ne peut qu’être vain d’imaginer qu’on va pouvoir avancer sur le sujet.
Donc voilà, moi je pense que la difficulté, c’est la solitude dans ce type de projet. Voilà, je ne sais pas si j’ai été claire.

Cécile Dormia

J’aimerais juste rebondir sur ce que tu viens de dire par rapport au fait d’être plusieurs. Moi je ne vous l’ai pas dit, mais j’ai la chance à coté de Saint-Rémy d’avoir une casquette de coordination au niveau du groupe Orpea en national des psychomotriciens et ergothérapeutes. Et donc à la demande de mes collègues psychomotriciens ou ergothérapeutes qui ont cette casquette d’animateur, on a mis en place des temps d’échanges en Zoom réguliers où on peut se rencontrer et échanger sur nos difficultés et sur ce qu’on a mis en place au sein de nos structures. Et ça, c’est très aidant. Moi, il y a plein de choses qu’on a mises en place, ce sont des idées de collègues à moi sur d’autres Ehpad. Par le partage, ça arrive également. Il y en a une qui fait coucou dans la salle. La gazette, ce n’était pas mon idée, c’était l’idée de Luce. Mais c’est vrai que vraiment, cet échange me paraît important.
Et également, je vous rejoins toutes les deux sur TMS Pro. Ça a été aidant aussi pour nous pour formaliser la démarche, pour avoir la note de cadrage, la lettre d’engagement, pour pouvoir ensuite aller évaluer les situations à risque. Alors chez nous, c’était rehaussement au lit aussi le matin lors des petits déjeuners et puis une situation de transfert lit-fauteuil. Et ça a été aidant et structurant également pour nous.

Stéphane Da Silva

Merci beaucoup pour vos témoignages. Je vais vous laisser la parole. Est-ce que vous avez quelques questions à poser par rapport aux témoignages ? Profitez-en. Et nous avons aussi deux contrôleurs de sécurité qui accompagnent beaucoup d’établissements qui peuvent vous répondre.

De la salle

Bonjour. J’ai une petite question. Tout d’abord, bravo pour ce que vous mettez en place. Ça va être assez simple : quelles sont vos sources de financement pour le matériel ? Parce que vous avez beaucoup de choses. Je suis moi-même directeur de deux Ehpad du groupe Korian, on a eu effectivement un peu de financement. Mais est-ce que c’est de l’autofinancement ? Est-ce que vous avez du coup des appels à projets ? Financement peut être Cramif ?

Cécile Dormia

Sur mon site, moi ça a été financé par l’établissement chaque année, sans appel à projet, sans dotation externe, mais petit à petit. C’est-à-dire que chaque année, la direction nous demande ce qui serait bien pour l’année prochaine et on fait nos vœux. Et parfois ça marche pour l’année suivante et parfois il faut qu’on attende deux ans. Mais on a la liste des dispositifs et en acquérant un dispositif ou deux chaque année en fonction du tarif, on y arrive petit à petit. Il faut bien définir les priorités au départ.

Mylène Philippet

Alors moi, pour mon ancien établissement, effectivement, on s’est franchement rapprochés de la Cramif, on a beaucoup travaillé avec la Cramif, ce qui nous a permis de financer certaines choses. Et puis effectivement, appel à projets, ça nous est arrivé aussi de répondre à des appels à projets pour pouvoir mettre en place certains types de matériels.
Après sur l’autofinancement, c’était un peu plus compliqué. On y allait petit à petit aussi. Par contre, pour le petit à petit, il fallait quand même au niveau du groupe avoir une justification plus que sérieuse pour que ça puisse passer. Donc c’est vrai que le fait d’avoir une analyse de travail concrète et d’expliquer qu’on a tel type d’AT, il y a telle problématique, c’est un réel problème et ce n’est pas juste les soignants qui ne savent pas utiliser le matériel, ça permet quand même de rendre les choses plus sérieuses et de permettre à ce qu’il y ait des sous qui soient donnés pour le matériel.

Elodie Frouart

Et moi pour compléter, il y a eu le contrat Cramif. Je n’ai pas précisé que le contrat prenait à 40 % le matériel. Il y a aussi le CNR, on va peut-être envisager de l’utiliser pour nos rails. Et après, sinon, c’est achats progressifs quotidiens également. J’avoue que je vais voir le gérant, il me dit oui.

De la salle

Bonjour. Bravo également pour tout ce que vous avez fait et puis votre dynamisme. J’ai une question parce que je pense qu’une des principales difficultés pour ce que vous avez appelé les pilotes et les animateurs prévention, c’est le temps à dédier à la démarche prévention et notamment l’organisation. Donc j’ai deux questions : comment vous vous êtes organisés pour définir le temps que vous alliez dédier à vos démarches ? Et si possible concrètement par mois, combien de temps vous y passez ? Merci.

Elodie Frouart

Alors de mon côté, je me suis un peu basée sur ce qu’on m’a dit à Saint-Joseph, un jour par semaine. Donc j’ai essayé de m’organiser un petit peu dans mon planning comme ça. Maintenant, dans la réalité, je pense qu’actuellement je fais peut-être un petit peu plus pour le moment, je pense qu’après ça se calmera. Effectivement, c’est vraiment le début de la démarche.

Mylène Philippet

Alors du coup, moi aussi je me suis basée sur le un jour par semaine. Mais c’était un coup de poker avec ma directrice parce que je savais qu’elle n’allait pas forcément imaginer qu’il fallait beaucoup de temps, tout simplement. Et que ça a été un petit coup de poker parce que quand j’ai eu la formation et que j’ai vu tout ce qu’il fallait mettre en place, surtout au début – ça, c’est sûr que c’est vraiment l’initiation qui est longue – je me suis dit : « bon, au moins je dis une journée et puis je vois si ça passe ou ça casse ». Et au final, elle m’a dit : « tu exagères, mais fais-le quand même ».
Donc j’ai pu mettre des choses en place, ça m’a permis vraiment d’avoir un temps dédié à part de mes fonctions, même si ce n’est pas vrai parce qu’on m’appelait quand même si on avait des troubles du comportement trop importants, mais au moins un temps où je disais à tout le monde : « je suis un peu à l’écart » et je pouvais me poser sérieusement, prendre les chiffres, réfléchir et en fait impulser les choses. Parce que c’est vrai que ça demande quand même du temps de réflexion, ça demande du temps à se poser et ce n’est pas entre deux soins, deux prises en charge qu’on peut faire les choses. Ça demande à ce qu’on puisse envisager les choses en plus à plutôt long terme, donc faire les choses correctement.
Au fur et à mesure de la pratique, ça s’est un peu dispersé sur la semaine. Donc ça veut dire qu’au début, j’essayais vraiment de cloisonner les choses et de me dire : « bon, mettons le vendredi, j’essaie de m’occuper de ça et je déblaie tout ». Donc c’était le jour où je m’occupais de TMS Pro, tout ça. Et puis au fur et à mesure, les choses s’allègent, on a des collègues qui commencent à avoir des réflexes, qui commencent à partir des déplacements spontanés. En fait tout ça, c’est vrai que ça met la machine en route.
Après, en fonction, par exemple si je compare avec mon nouvel établissement, on repart un peu du début. Donc, il y a un temps dédié qui est assez important parce qu’il faut aller voir le matériel, il faut comprendre comment les choses se passent, il faut comprendre les difficultés des salariés, récupérer les chiffres, c’est un tout un travail finalement qui a l’air de rien, mais qui est assez long. Et puis au fur et à mesure, c’est vrai qu’une fois qu’on est arrivé dans un cycle où on a le matériel, où on a les formations, où on va finalement être plus dans de l’ajustement par rapport aux situations que vraiment on prend tout à plat, on essaye de régler, on gère, on parle des choses, finalement, les choses se font un peu plus simplement et peut-être moins concentré sur vraiment ce jour-là dans la semaine, mais un peu plus réparti sur le mois, on va dire.

Cécile Dormia

La même chose pour moi. Au début, j’avais un temps dédié, c’était important. J’avais calé une demi-journée plus après les temps de réunion. Alors au début, il y a beaucoup de temps de réunion, de copil pour mettre en place la démarche. Et maintenant ; c’est vraiment au fil de l’eau en fait, ça se fait naturellement, mais pas comme vous, je pense, une demi-journée à une journée au départ.

De la salle

Je vais un peu sortir du cadre des formateurs, des encadreurs que vous êtes pour prendre un peu du côté technique de la chose. Moi je suis soignant, je fais beaucoup de formations. Vous êtes cinq, celle du milieu a parlé du facteur zéro portée, la quatrième a fait la même chose, zéro portée. Mais il y a un facteur temps que vous devez aussi prendre en considération pour arriver au facteur zéro portée.
Moi en tant que technicien dans le soin, je dis c’est un rêve dans le cas praticopratique. Parce que lorsqu’on parle de zéro portée dans les Ehpad, ceux qui sont soignants ici savent – nous avons vu un petit film tout à l’heure – que pour lever seul le résident, ça a pris cinq minutes. Dans les cinq minutes, aucun soignant dans un établissement ne peut avoir moins de huit résidents. Et lorsqu’on se rend compte du facteur temps, on commence par exemple les soins à 9h pour les finir à 11h30 parce qu’il y a les transmissions, il y a le kiné qui doit venir chercher les résidents pour les ramener, ils doivent aller faire de l’animation, ça grignote beaucoup dans le petit temps qui nous est imparti.
Du coup, plusieurs soignants, au lieu de faire cinq minutes, comme nous l’avons vu tout à l’heure, seront obligés de laisser cet appareil et porter. Dans cette portée, il y a plusieurs risques. D’abord, la première portée, qui est même très facile, au lieu que le soignant prenne huit petites secondes pour lever le lit, il va se casser en quatre parce qu’il s’est dit que les huit secondes, il va les épuiser, il peut en bénéficier et ne pas utiliser tout ce qui est mis, l’aide technique qui est mise à sa disposition. Du coup, on tombe sur quoi ? On tombe sur des accidents du travail. J’ai vu le responsable des risques de mon groupe ici. Il va vous dire que ces accidents de travail sont beaucoup plus pendant la période de vacances parce que là, tous les établissements utilisent les vacataires et les intérimaires qui n’ont pas tout ce temps.
C’est juste une remarque, je voudrais que lorsqu’on parle de zéro portée, qu’on mette aussi le facteur temps, que ça rentre dedans. Parce que ça, c’est du praticopratique dont je vous parle. Parce qu’on va vous dire zéro portée, mais dans les chambres, vous n’êtes pas là-bas, vous ne savez pas ce qui se passe. Obligatoirement, les soignants vont porter.
Donc la dernière dame de l’autre côté, je ne sais pas si c’est Mylène, elle au moins dans son speech, elle s’est occupée de ce petit facteur-là parce qu’elle nous a expliqué qu’elle est entrée dans les chambres avec les soignants pour voir ce qui se passe et que comme elle était nouvelle dans cet établissement, elle aussi, elle est arrivée à un moment où elle s’est mise aussi à porter. Je ne sais pas si j’ai bien suivi. Donc dans cette formation, mettez aussi le facteur temps dedans et faisons la conjugaison dans la synergie pour que cela soit pris en compte, et si possible amener, pourquoi pas, à arriver vraiment de manière réelle à la zéro portée. Merci.

Cécile Dormia

Je vais essayer de répondre. Cette question du temps, c’est une question qui revient tout le temps et les soignants nous en parlent souvent, « mais on n’a pas le temps ». Si je prends cinq minutes comme on a vu dans la vidéo pour que le résident participe pour aller à son fauteuil, on peut avoir l’impression, en effet, que cinq minutes c’est trop par rapport à si je porte, ça va durer peut-être trois minutes.
Mais je pense qu’il faut voir le temps d’une façon globale. Si je prends ces cinq minutes et que je fais participer mon résident, il va se mobiliser, il va lever la jambe de lui-même pour passer le harnais, il va pouvoir garder cette possibilité de mobilisation qui va vous faire gagner du temps dans d’autres soins. Si la personne participe, vous gagnez du temps par rapport à des personnes complètement dépendantes qui n’ont plus d’autonomie. Et donc le temps que vous avez l’impression de perdre d’un côté, vous le gagnez de l’autre. Je ne sais pas si je m’exprime très clairement. Mais il faut voir le temps d’une façon globale. Ça, c’est la première chose.
Et deuxième remarque, vous disiez que c’était bien parce que Mylène était rentrée dans les chambres pour voir le travail. Je pense que c’est important qu’on le fasse tous et je le fais, et j’accompagne les soignants sur des toilettes en cas de fin de vie, de patients douloureux ou en cas de troubles psycho-comportementaux, de refus par exemple. Donc je participe, je fais avec les soignants et c’est important qu’on le fasse avec eux. C’est vrai, quand je viens pour faire une toilette avec un soignant, ça prend un petit peu plus de temps, mais finalement elles vont y gagner quelque part parce qu’on leur a fait deux ou trois fois ensemble et après, il n’y aura peut-être plus de refus, et donc elles vont gagner du temps à ce moment-là, si on parle gagner-perdre. Et je pense que c’est important qu’on vienne et qu’on participe aux soins avec les soignants.
Et moi je suis déjà venue également de nuit, s’intéresser au travail de nuit des soignants, passer une nuit avec un soignant pour voir ce qui se passe la nuit, quels sont les enjeux, quels sont les besoins en termes d’aide technique. C’est important aussi qu’on s’occupe de ça. Je ne sais pas si vous voulez compléter.

Mylène Philippet

Alors effectivement, la question du temps revient tout le temps, clairement. C’est le nerf de la guerre. Je rejoins quand même cette idée qu’actuellement les soignants, ils n’ont pas cette mentalité qu’il y a un soin de manutention qui existe. Alors ça a l’air hyper abstrait, ça a l’air hyper décalé du soin, mais c’est une réalité. Je pense qu’il faut changer les mentalités en profondeur, d’où le fait qu’on parle de changer notamment ce qui est abordé dans les formations de base.
Parce qu’en fait, c’est ça qui nous met en difficulté sur le terrain, c’est qu’on n’irait pas renier en temps sur des soins d’hygiène de base quand on fait une toilette. Pourquoi on irait renier en temps, on considèrerait qu’on perd du temps sur du soin de manutention ? Parce que tout simplement, actuellement, on considère qu’on ne fait pas du soin quand on prend quelqu’un et qu’on le met sur un fauteuil roulant. Et ça, c’est vraiment quelque chose pour moi que j’ai vu partout. Toutes les maisons de retraite où j’ai travaillé, j’ai vu ça qu’on a cette contrainte-là. On a peur du temps, on court après le temps. Et on estime qu’il y a des tâches, ce n’est pas nous, c’est anecdotique. Et d’autres, on considère que c’est du vrai travail de soignant. Et je pense que c’est ça aussi, c’est cette mentalité de base qui est très difficile à aller toucher quand on essaie justement d’impulser une nouvelle dynamique dans un établissement.
Mais je pense que c’est ça, il faut se rendre compte que le soignant, ce n’est pas juste quelqu’un qui va nettoyer un corps. Le soignant pour moi est beaucoup plus que ça. Vous avez une capacité de réflexion. Moi j’ai des soignantes, quand je leur ai expliqué les déplacements spontanés, elles m’ont dit : « je ne suis pas capable de comprendre ça ». À un moment donné, je me dis, là, il y a même quelque chose où certains soignants peuvent s’imaginer qu’ils sont incapables de comprendre l’autre, qu’ils sont incapables d’analyser, alors que n’importe quelle personne est capable de faire preuve d’imagination, de s’adapter à toute situation, qu’importe notre niveau de connaissance, qu’importe notre formation.
Et je pense que ça, c’est quelque chose d’important à avoir en tête, c’est que le temps, on a toujours l’impression de courir après. Mais il faut bien comprendre ce qu’il y a dans ce temps et la qualité de la relation qu’on a à l’autre, et la qualité des soins qu’on prodigue. Et que finalement, je peux vous assurer, quand on porte quelqu’un, c’est extrêmement désagréable pour nous, c’est extrêmement désagréable pour la personne. Donc là, on perd moins de temps, mais c’est quoi la qualité du temps qu’on passe avec la personne ? Je pense qu’il y a cette chose là aussi à prendre en compte. Et ce n’est pas quelque chose qu’on va réussir à changer rapidement. Mais à force d’explications, à force d’être sur le terrain, d’être au plus près des équipes, j’ai quand même bon espoir qu’on ait des pratiques qui changent et que finalement, ce frein qu’on imagine exister absolument, il n’est peut-être pas si présent que ça.
Après, il y a aussi, je pense, quand même à prendre en compte que le milieu de l’Ehpad, c’est un milieu qui est organisé. On organise les tâches, n’importe quel travail, mais on organise les tâches en estimant un temps donné pour faire telle ou telle tâche. Moi, je vous assure que dans une résidence Alzheimer, on ne peut pas faire ça. Parce qu’on a un temps, le matin, on essaie au maximum de faire le plus de soins d’hygiène possible. Mais quand vous avez 12 résidents dans votre secteur et que vous en avez 10 qui dorment et que si vous les réveillez, il y en a un qui vous frappe et l’autre, il part déambuler tout nu, on fait des choix, on s’adapte.
Donc il y a aussi peut-être une idée de comment on gère le temps dans les établissements. Est-ce que tous les soins sont obligatoirement à être faits le matin ? C’est une question beaucoup plus large, je vous avoue. Là, on part sur un autre sujet. Mais qu’est-ce qui fait qu’on est bloqué par ce temps ?

Elodie Frouart

Et je rajouterai peut-être que pour un gain de temps aussi, ce serait d’avoir la quantité d’outils de manutention suffisant dans l’établissement pour ne pas courir après par exemple des draps de glisse. Un drap de glisse par chambre, si c’est directement dans les chambres, au moins ce sera utilisé. Et pareil, si on peut avoir des rails dans toutes les chambres, ça, c’est aussi l’idéal. Et puis avoir du personnel en plus, ça, ce serait merveilleux également.

De la salle

Déjà, merci pour vos témoignages, c’est vraiment super. Alors, j’ai eu l’occasion de discuter ce midi avec Élodie. C’est super, on a plein de psychomotriciennes en fait, quatre. Mais je m’interroge par rapport à votre profil, votre passé de psychomotricienne, votre actuelle, qui est toujours actuelle. Mais on n’a pas eu de profils d’ergothérapeutes, on n’a pas eu de profils de kiné pour porter ce type de démarche. J’ouvre la question. En résidence Alzheimer, je comprends bien. Après, je me pose la question.

Elodie Frouart

Apparemment, il y en a. Alors dans l’établissement, on n’a pas d’ergothérapeute, on voulait en recruter, mais ils ne voulaient pas à mi-temps. Donc à défaut, on a pris une psychomotricienne.

Cécile Dormia

Je peux dire avec ma casquette au niveau national dans le groupe Orpea, les animateurs en prévention chez Orpea, je ne sais pas, on doit être un peu plus de 80, peut-être 90 maintenant, moitié-moitié ergothérapeutes-psychomotriciennes, un petit peu plus d’ergothérapeutes quand même. Mais après historiquement, en Île-de-France, chez nous, on a du mal à recruter des ergothérapeutes. Et quand on ne donne pas cette mission à l’ergothérapeute, on le donne à la psychomotricienne.
Mais après, la partie aide à la mobilité, participation du soignant, qualité du soin, c’est dans notre ADN, aussi bien chez les ergothérapeutes que chez les psychomotriciennes.

Agnès Le Roy Galland – Contrôleur de sécurité (78)

Alors moi sur mon secteur, je suis dans le 78, effectivement j’ai essentiellement des psychomotriciennes, mais pas que. J’ai un éducateur sportif par exemple, APA. Mais effectivement, les profils qui sont recherchés souvent par les directions, elles s’intéressent en premier lieu sous réserve que les personnes soient volontaires au profil des psychomotriciennes.

Jean-Philippe Sabathe

Juste une réflexion par rapport à ce qui a été dit précédemment, un peu dans l’échange concernant le zéro portage. Je dis attention à ne surtout pas confondre l’objectif. L’objectif, ce n’est surtout pas du zéro portage. Attention, ce n’est pas parce qu’on dit qu’on ne prend pas en compte, qu’on n’expose pas à du port de charges délétères pour la santé du professionnel, que ça fait un raccourci sur du zéro port de charge.
Attention, pourquoi ? Parce que le zéro port de charge a déjà été testé sur l’expérience faite aux États-Unis qui a été une catastrophe au début des années 2000, où c’était demandé évidemment aux soignants et entre autres aux infirmières américaines de n’être que sur du zéro portage, soit le patient se déplaçait seul et il se déplaçait seul, soit il y avait recours automatique à un outil d’aide à la manutention. On s’affranchissait complètement des capacités. Et donc, on n’exposait plus les soignants au port de charge vu qu’elles devaient, avec une injonction de l’assureur privé américain, utiliser un outil d’aide qui était donc pour supprimer l’exposition au portage. Donc, on était bien sur des programmes zéro portage avec un financement même de ces matériels fait par l’assureur.
Ça a donné quoi comme effet ? C’est que le secteur de la santé numéro un en termes de TMS aux États-Unis, que les soignants n’ont absolument pas adhéré au programme. Et elles ont reporté, en ne comprenant pas le sens. Et c’est bien pour ça qu’on fait très attention dans notre langage à ne jamais parler de zéro portage, on sait que ça va déclencher cette réaction-là et légitime, et en même temps ce n’est pas la démarche qui est proposée. En tout cas sur la démarche ALM ou la démarche sur le soin de manutention, en aucun cas vous ne nous entendrez parler de zéro portage. Par contre, on est bien sur cette approche de pas de port de charge délétère pour la santé. Ce qui veut dire que oui, je suis capable de pouvoir prendre en charge un bras, une main, une jambe et du moment que je vais rester sur un port de charge qui va devenir acceptable pour la personne en plus qui va le réaliser. Et là, ça peut être aussi fluctuant. Mais évidemment qu’en aucun cas je vais exposer à du port de charge de 10, 15, 20 kilos où là, on sait qu’on va devoir prendre autrement.
Donc je disais simplement attention dans les raccourcis parce qu’on sait que cela peut être malheureux. Et en même temps, il ne va pas nous aider, en tout cas, dans la communication de la démarche qui est souhaitée. Il y a bien une relation de soin. On s’autorise à toucher les patients, les résidents. On s’autorise évidemment même à porter une main, un bras et à lui donner la main. Donc en aucun cas on ne coupe l’exposition tactile. Bien évidemment que dans cette relation, c’est toujours présent. Et c’est là aussi que ça va redonner ce sens du soin et cette adhésion aux soignants à rentrer dans la démarche. C’était simplement un petit commentaire pour qu’il n’y ait pas de confusion.

Cécile Dormia

Merci, tout à fait, on est bien d’accord sur le fond. Mais c’est vrai que du coup, on arrive à ce discours-là. Dans les formations, on leur dit maximum 15 kilos, mais bien sûr que le toucher est important. Et parfois juste un accompagnement, une petite aide au niveau du dos, on va favoriser le mouvement. Et bien sûr, il ne faut pas supprimer tous ces petits gestes qui font partie de la relation.

Pascal – Groupe ADEF

J’avais une dernière question. Je m’adresse à la psychomotricienne aussi bien d’Orpea Saint-Rémy que de Sofia. Vous avez une expérience, vous avez pu quand même avancer dans cette expérience. Alors, j’aimerais bien savoir, est-ce que vous avez pu mesurer quand même l’impact par rapport aux soignants, par exemple, qui sont entrés dans la démarche, qui sont pratiquement pour beaucoup dans la démarche ? Et vous savez aujourd’hui que les maisons de retraite également, c’est une concurrence entre nous. On voit aussi un peu l’impact que ça peut avoir sur des familles par rapport à ce qu’ils pensent. Est-ce que vous avez pensé à mesurer ça ? Ou alors vous pensez que c’est très positif ? Est-ce que ça vous apporte plus de personnes âgées ? Est-ce que ça fait plaisir plutôt aux familles de revenir avec les gens ? Est-ce que vous avez rempli ? Parce qu’effectivement, vous avez cette approche.

Cécile Dormia

Moi je pense que le retour est très positif. La première chose visible, c’est qu’aujourd’hui on a beaucoup moins d’accidents de travail en lien avec une manutention accompagnement d’un résident. On n’en a quasiment plus beaucoup. Aujourd’hui, il faudrait plus qu’on travaille sur les glissades. Donc ça, c’est le premier point. Moins d’accidents de travail et des accidents peut-être moins graves aussi.
Moins d’absentéismes, oui. Les salariés ont l’impression qu’on prend plus en compte leur santé et leur bien-être. Le fait qu’on ait mis en parallèle des activités bien-être pour les salariés, je n’ai pas le temps de vous raconter, là, mais ça a évolué. On a essayé des choses, ça n’a pas marché, on a rechangé, on a changé les modalités, etc. Mais aujourd’hui, il y a des moments pensés pour le bien-être des salariés. Et ça, c’est important. Et je pense que par effet domino, ça se ressent au niveau de la prise en charge globale.
Les familles, on n’a jamais cherché réellement à savoir, mais je pense que c’est pareil. Ça fait partie d’un tout une prise en soins de qualité aussi bien pour les résidents familles que soignants. Mais je trouve que c’est positif. Mais on n’a pas fait d’étude spécifique sur l’impact ou de questionnaire de satisfaction, ce genre de choses.

Elodie Frouart

Alors moi, c’est peut-être un petit peu tôt pour le moment parce que le matériel, on l’a acheté, on a reçu au deuxième semestre 2023, donc assez récemment. En tout cas, mes collègues sont ravis par rapport au rail. C’est sûr que trois dans la maison, ça reste très limité. Ils savent qu’à terme, on voudra en mettre plus. Donc ça, ils sont ravis. Donc le personnel déjà est content qu’on soit rentré dans cette démarche-là.
Et puis pour les familles, c’est pareil, on parle à chaque fois quand je parle avec des familles de la démarche qui est engagée, ils sont vraiment contents pour le personnel. Et ils comprennent aussi l’impact que ça peut avoir pour leurs parents. Après, là, c’est un peu court pour moi pour faire vraiment le bilan tout de suite à ce jour.

Stéphane Da Silva

Très bien, Je tenais à vous remercier pour vos retours d’expérience. Merci beaucoup.